D’incessantes mutations
nous poussent ailleurs, hors de notre coquille.
Nous sommes expulsés de nos berceaux
sans avoir le temps de nous en étonner.
Jean qui pleure et Jean qui rit
nous nous éloignons des choses précieuses que nous portons en nous
Rafistolés, raccommodés
nous nous protégeons par notre foi en ce qui vient,
nous nous donnons au temps ; en silence
et sans bruit fondent en nous les neiges d’antan.
Nous voilà donc comme l’eau près des digues :
elle ondoie, éclabousse… Mais sa forme,
c’est le rivage qui la dessine.
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Milan Rúfus (1928-2009) – L’inquiétude du cœur (La Différence/Unesco, 2002) – Traduit du slovaque par Arlette Cornevin.