Chaque sortie possible est pour moi source d'étonnement. Armé de ma liste de courses manuscrite au dos de mon attestation de déplacement dérogatoire dûment datée et signée, je fais la file devant la supérette du quartier. Les gens se tiennent à distance et se parlent. De la pluie, du beau temps, de leurs inquiétudes surtout. Une dame devant moi me dit qu'elle n'a pas pris l'air depuis une semaine, qu'habituellement elle marche beaucoup, qu'elle n'aime pas le quartier, qu'elle est descendue acheter de la farine et des œufs. Je n'ai heureusement pas le temps d'écouter les salades complotistes que débite le gars derrière moi car c'est mon tour d'entrer dans la supérette.
Face au tapis de caisse où j'étale mes achats, les messages défilent sur un écran d'environ 1 mètre sur 50 centimètres. Ce ne sont pas les promotions en cours, non. Mais les consignes officielles. En majuscules rouges sur fond blanc : MERCI DE RESPECTER 1 MÈTRE DE DISTANCE DE SÉCURITÉ SANITAIRE AVEC NOTRE PERSONNEL.
Derrière un écran de plexiglas, Lilith répond au client qui lui demande comment ça va : - Ça va. I'm still standing. C'est une chanson d'Elton John, précise-t-elle.
À mon tour d'échanger avec elle :
- Ils vous ont donné des masques, c'est bien.
- C'est un client qui nous les a donnés.
Va savoir où ce quidam les a trouvés. Peut-être chez la pharmacienne du quartier de Noailles qui les revendait sous le manteau à l'unité.
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