Quelques réflexions, dénichées dans la dernière livraison de DSI (nº 39), confirment une tendance à la fois positive et grandement perfectible concernant l’intérêt, la communication et les débats sur les affaires stratégiques et de défense.
Dans son excellent compte-rendu sur le LBDSN, la rédaction note ainsi que les blogs et sites internet civils traitant de ces questions ont proliféré depuis un an, ce dont on ne peut que se féliciter. A ce titre, on doit d’ailleurs reconnaître un mérite, parmi bien d’autres, à ce Livre Blanc : avoir relancé, dans une certaine mesure, l’attention du public civil au point de pousser des auteurs à s’exprimer sur la Toile, soit dans le cadre de sites spécialisés, soit, tout simplement, dans des blogs personnels, au détour d’autres réflexions sur la vie de la Cité. Inutile de préciser que tout le monde sort gagnant de cette implication grandissante des simples citoyens dans les débats. La professionnalisation des armées, entre autres facteurs, avait fait craindre, à juste titre, une déconnexion des mondes civils et militaires. Il est satisfaisant de constater que l’esprit de défense reste encore vivace chez certains. Voilà pour le positif.
Le perfectible concerne la communication institutionnelle et opérationnelle. Certes, la « Grande Muette » ne l’est plus tant que ça et le CDEF, notamment, propose d’excellentes publications doctrinales (merci Vincent Desportes…) qui contiennent des analyses et des contributions particulièrement stimulantes. On est loin, néanmoins, de la vitalité anglo-saxonne dans ces domaines où les blogs de militaires en OPEX pullulent[1]. Alors, certes, ces espaces anglophones sont de qualités variables et puis la culture militaire française ne souhaite sans doute pas aller aussi loin dans la liberté d’expression offerte à ses opérationnels. Néanmoins, et sans nier certaines dérives, il serait souhaitable de débrider un peu la parole des femmes et des hommes qui servent leur pays, pour la richesse des échanges et l’édification des simples citoyens. A ce titre, il n’est pas certain que la gestion calamiteuse de « l’affaire Surcouf » ait envoyé le bon signal. Mais glissons…
Du reste, et toujours dans DSI, Arnaud de La Grange et Jean-Marc Balencie[2] pointent avec justesse les conséquences dommageables de cette communication un peu engoncée, en tout cas mal adaptée aux exigences nouvelles qu’imposent les nouvelles technologies de l’information et de la communication :
« En France, la Défense communique bien de manière institutionnelle ou quand c’est elle qui imprime le rythme. Mais elle le fait beaucoup moins bien autour des opérations (…). Résultat, si nos armées ont incontestablement une bonne cote dans l’opinion, leurs missions restent mal connues, mal « intégrées » par nos concitoyens qui ne voient pas ou peu leurs soldats œuvrer en mission réelle, qui ne se sentent pas investis de leur rôle ».
Certes, les auteurs parlent plus spécifiquement ici des journalistes, mais on peut étendre leur propos à la blogosphère. Dans ces espaces, la parole simple et brute de militaires qui évoquent leurs expériences, les réalités du terrain, tout en respectant, cela va de soi, une évidente discrétion sur certains aspects de leurs missions, est irremplaçable pour une meilleure information des civils et, partant, un soutien accru à leurs actions.
À ce titre, on ne peut que saluer l’excellent travail effectué par Isabelle Bal, chef de la Cellule Aide aux Familles du 18éme Régiment de Transmissions, sur son blog simplement intitulé « L’Afghanistan » : photos superbes, vidéos, informations sur le travail que les troupes françaises effectuent là-bas, ce site mérite le détour. Initialement destiné aux proches des soldats déployés là-bas, ce blog permettra aussi aux citoyens de s’informer sur certaines réalités de la vie quotidienne du militaire français en opération sur le théâtre afghan. Félicitations à Isabelle Bal pour cet excellent site, précis, humain, complet.
Autre blog ouvert récemment par un homme de l’art, « Pour convaincre, la vérité ne peut suffire », animé par Stéphane Dossé, et qui s’orne d’une très belle citation d’Aristophane : « De leurs ennemis, les sages apprennent bien des choses ». Plus « pointu » que le précédent, et pour l’instant assez orienté vers le renseignement et la guerre électronique (mais ne doutons pas que d’autres sujets seront abordés avec le temps), l’auteur a eu l’excellente initiative de mettre en ligne les trois documents qui régissent le nouveau contexte opérationnel des armées françaises. Un site tout nouveau et plein d’avenir, à mettre en bonne place dans ses tablettes.
Les choses bougent donc dans le bon sens. Espérons que ces exemples seront suivis par d’autres et que la blogosphère francophone de défense, civile comme militaire, deviendra bientôt aussi fournie que la qualité de sa réflexion doctrinale le laisse espérer.
[1] Une petite visite sur Milblogging permettra au lecteur de se rendre compte de cette profusion.
[2] Auteurs de « Les guerres bâtardes. Comment l’Occident perd les guerres au XXIème siècle ». Editions Périn. 2008.
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