Lorsque j'évoquais le programme de « banque sans contact » de DBS au début de ce mois, je ne pensais pas que le sujet deviendrait aussi brûlant dans le monde entier quelques jours plus tard. Avec l'extension de la crise sanitaire, les réseaux d'agence sont dorénavant au cœur des débats… et, au moins pour les français, des polémiques.
Les grandes institutions financières n'ont certes pas attendu les décisions gouvernementales parfois tardives pour prendre les premières mesures drastiques et, en Europe comme en Amérique, les fermetures préventives de certains points de vente, totales ou partielles (avec, en particulier, le maintien des accès aux « drive-ins », populaires outre-Atlantique), se sont multipliées toute cette semaine. En revanche, rares sont les enseignes ayant décidé de fermer l'ensemble de leur réseau…
Voilà une situation qui devrait nous interpeller. Après tout, la banque, dont les métiers reposent pour l'essentiel sur des actifs immatériels (l'argent, notamment) et n'ont que très peu d'activités impliquant des échanges physiques, devrait constituer un des principaux secteurs capables de s'engager dans un confinement quasi-total, pour le bien public. C'est l'argumentaire que développent en France les organisations représentatives des salariés face à une fédération professionnelle qui reste ferme sur sa position.
Bien sûr, quelques cas spécifiques requièrent encore une interaction directe avec l'établissement. Sont ainsi concernées les personnes ne disposant pas de carte de retrait, qui n'ont d'autre moyen que de se rendre au guichet pour retirer des espèces. Un dispositif exceptionnel peut être mis en place pour celles-là, comme l'ouverture sur rendez-vous instaurée à la Caisse d'Épargne Rhône-Alpes. Quant au dépôt de chèques, faut-il rappeler qu'il a été dématérialisé aux États-Unis à la suite d'une autre crise (le 11 septembre 2001)… et que le reste du monde a oublié d'en tirer les leçons ?
Mais, une fois ces exceptions traitées, pourquoi les agences ne peuvent-elles donc pas être closes ? Peut-être parce que, en dépit des grands discours sur la « digitalisation », la plupart des processus en vigueur, pour les besoins plus complexes que les opérations courantes (par exemple les demandes de crédit) nécessitent à un moment donné la transmission d'un justificatif, un remplissage de formulaire, une signature manuscrite… qui, jusqu'à ce jour, ne peuvent se faire que face à face avec un conseiller.
Il est aujourd'hui un peu tard pour rectifier le tir… Les responsables sont probablement réticents à accepter des dérogations improvisées, qui pourraient passer, entre autres, par des conversations téléphoniques et l'envoi de documents par voie électronique, car ils craindront que, sans encadrement formel, elles conduisent à une explosion de la fraude ou des erreurs, dont ils devront assumer les conséquences. Mais si, comme il paraît probable, la crise perdure, il leur faudra néanmoins envisager des compromis.
En arrière-plan, l'hypothèse d'une transition accélérée de la banque vers une relation exclusivement à distance deviendra de plus en plus réaliste et probable avec le temps qui passe. Et les personnes qui sont actuellement en première ligne dans les succursales, légitimement inquiètes pour leur sécurité, devront alors affronter un autre défi existentiel à moyen terme, quand leur rôle, tel qu'il existe maintenant, aura disparu et qu'elles devront trouver leur place dans une organisation profondément renouvelée.