Quand j’ai commencé ce livre, il y a plusieurs jours (avant le confinement), je me suis demandé pourquoi il était signé de Manuela Draeger. Je n’y retrouvais pas le ton qui m’avait accroché dans Onze rêves de suie, ni celui de Herbes et golems. Je me disais qu’il aurait tout aussi bien pu être signé Lutz Bassmann, après Black village. Et puis j’étais perdu, pas loin de fermer le livre.
Mais ça ne pouvait pas être de Lutz Bassmann. C’était bien un livre de femme, racontant des histoires de femmes, pas seulement de femmes, mais les deux principales, Kree Toronto et Myriam Agazaki, occupent la plupart des pages.
Après le premier chapitre, nous plongeons avec Kree dans le bardo. Difficile de s’y repérer. La langue parlée est brute, sans fioritures, mis à part les formules récurrentes du Parti, même si celui-ci est remplacé par les Mendiants terribles. Nous traversons des grillages, nous découvrons les tentes tremblantes qui servent à communiquer, mais avec qui ? et comment ? Nous passons du passé au présent et du présent au passé. Y a-t-il un avenir autre que celui d’aller de mort en mort dans ces espaces qui suivent la vie et quels souvenirs en gardons-nous ? Faut-il, d’ailleurs écrire « nous » tant ces personnages vont dans l’obscurité, la pluie et la boue ? Il semble qu’il reste toujours, même infime, un espoir d’après, celui, par exemple, de retrouver Loka, la chienne noire de Kree, et de lui dire encore une fois : « Allez, Loka, on y va ».