Même si on pourrait en douter à voir un nombre considérable de reportages montrant des parcs bien fréquentés, des rues pas franchement désertes et des Français décidément très détendus de la quarantaine, c’est bien le confinement qui a été finalement mis en application – se murmure-t-on dans les milieux autorisés – dans le pays, au plus grand désarroi d’un petit virus qui aura un peu plus de mal à se répandre.
L’activité économique est donc globalement en train de s’effondrer et la récession, inévitable, se met déjà en place. En fin d’année, il sera temps de faire les comptes mais on sent déjà que certaines questions seront pénibles à poser, et encore plus douloureuses à répondre.
La question portant sur les stocks de matériel de protection essentiel pour les personnels de santé vaudra son pesant de chloroquine : l’Etat disposait il y a dix ans d’un stock fort conséquent, de masques chirurgicaux de différents niveaux (FFP1 et FFP2), de gants et de blouses, de protections diverses pour des cas épidémiques ; pourquoi diable n’en trouve-t-il plus aucun à présent ?
Plus précisément, il apparaît suite à un rapport du Sénat qu’il y avait plusieurs centaines de millions de ces masques dans le stock stratégique en 2009. Malheureusement, entre une gestion probablement rendue complexe par l’utilisation de moyens informatiques pudiquement qualifiés de rudimentaires (de jolis fichiers Excel et une base de données Access, ça c’est du solide) et un suivi dont – il faut bien le dire – à peu près tout le monde se foutait, la cigale française s’est retrouvée fort démunie lorsque la bise épidémique survint.
On comprend en lisant ce rapport qu’un véritable scandale, aux conséquences absolument catastrophiques pour nos équipes soignantes, se cache derrière cette gabegie décontractée. Le parallèle avec le scandale du sang contaminé dans les années 80 est souvent fait, et l’issue de la crise permettra de voir si ce parallèle est réaliste.
De la même façon, on devra se poser des questions sur la façon dont l’Etat aura fait main basse sur le stock de Plaquenil (un antipaludique à base d’hydroxychloroquine, molécule candidate à un traitement potentiellement efficace contre le covid19). L’administration, dans son zèle à faire n’importe quoi n’importe comment, s’est ici encore probablement surpassée…
Néanmoins, on comprend que tout ceci ne pourra pas rester sans sanction, sans audit et sans décisions fermes pour éviter que cela se reproduise.
C’est probablement devant ce constat d’un besoin d’une reprise en main ferme des institutions républicaines que nos politiciens se sont ressaisis.
Cela fait plaisir à voir : alors que l’épidémie n’en est qu’à ses débuts, que le nombre de cas augmente encore de façon soutenue, que le nombre de cas graves et, conséquemment, de décès continue à augmenter aussi, au moins la République et l’ensemble de ses institutions ne se laisse pas aller à la mélancolie, la tristesse et l’indécision.
La voilà toute mobilisée, se lançant à l’assaut de ce nouveau défi : c’est pourquoi tout est mis en oeuvre pour que de nouveaux radars routiers soient déployés dans les Hautes-Alpes. Nous n’avons certes plus un rond pour avoir des protections pour nos soignants, les intubés en réanimation commencent à s’empiler douloureusement dans les services de l’Est et d’Île-de-France mais RASSUREZ-VOUS, l’automobiliste français est correctement encadré.
Mais attendez, ce n’est pas tout !
Il ne faudrait pas croire que seules sont sur le pont nos valeureuses Forces De L’Indispensable Sécurité Routière ! Que nenni ! La situation est grave, que dis-je, dramatique, mais elle n’empêche pas de nommer un nouveau patron de Comité Théodule, comme par exemple ce nouveau Haut-commissaire à l’inclusion dans l’emploi et à l’engagement des entreprises, dont le titre à rallonge est directement proportionnel (forcément) à l’utilité et la pertinence à la fois dans ces temps de crise et plus tard, quand la situation sera apaisée et que toute la France se bousculera à son guichet pour favoriser l’engagement des entreprises pour des emplois inclusifs et patin couffin.
Et puis ce n’est pas parce que tout le monde doit faire un effort pour éviter les foules, pour que les échanges de miasmes soient enfin stoppé que la vie républicaine s’arrête pour autant. C’est pour cela que – rassurez-vous – les élections des conseils communaux auront bien lieu, quoi qu’il arrive, pour les communes où le maire a été élu dès ce premier tour (et quand bien même il sera possiblement invalidé) : dans près de 30.000 communes, nos édiles vont donc se rassembler et tenter de ne surtout pas échanger quelques dodus microbes pour désigner des conseils municipaux dont on ne pourra pas garantir la pérennité. Indispensable, n’est-ce pas.
Enfin et surtout, la vie continue : si nous sommes en guère (guère de masques, guère de protection, guère de cohérence) autant qu’en guerre, il n’en faut pas moins que la vie continue. Si nous devons à tout prix faire barrage au méchant virus, il n’en faut pas moins continuer nos activités comme si de rien n’était. Autrement dit, tout change, mais ne changeons rien, continuons à travailler comme avant (ou presque, ne chipotons pas).
Cette tempête de cohérence et de messages clairs, cette gestion de crise au cordeau avec un talent certain pour la préparation et la mesure atteint son point d’orgue lorsqu’on propulse un gros micro mou sous la truffe un peu humide de notre bon Bruno Le Maire dont les saillies ont, au moins, le mérite d’égayer la vie politique française.
Décidément, il n’y avait qu’un minustre du calibre de Bruno Le Maire pour pousser ce dégueulis idéologique si délicieusement périplaquiste face au danger, bien réel, d’effondrement complet de notre système de santé, de krach complet et total de notre économie, d’éclatement parfait de la zone euro.
En tout cas, une chose est certaine : le peuple va s’en prendre plein la figure, mais au moins l’Occupant Intérieur s’en donne à cœur joie. Moyennant télétravail, famille, pâtes, riz, la République est donc sauvée.
Sans oublier le savon, bien sûr.
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