Un tournant est engagé dans la lutte contre l’épidémie du coronavirus. Le 19 mars, et pour la première fois depuis le début de l’épidémie, aucun nouveau cas de contamination « locale » au Covid-19 n’a été enregistré dans le pays. Les autorités redoutent toutefois que l’épidémie ne connaisse une seconde vague avec l’entrée de personnes contaminées sur le territoire. La semaine dernière, les autorités annonçaient également une reprise progressive de l’activité. Mais les inconnues sur le plan international continuent de peser.
L’image se veut aussi lyrique que martiale. Et entend renvoyer aux autres combats emportés par la Chine moderne. « Sous le commandement personnel du secrétaire général Xi Jinping, la victoire contre le Covid-19 sans précédent approche au son des pas du printemps », claironnait la télévision publique CGTN après la visite, lundi 9 mars, du président chinois à Wuhan, ville épicentre du virus. Confirmation aujourd’hui 19 mars: pour la première fois depuis le début de l’épidémie, aucun nouveau cas de contamination au Covid-19 n’a été enregistré dans le pays. Seuls huit nouveaux décès ont été comptabilisés de mercredi à jeudi sur l’ensemble du pays. « Nous ne devrions jamais permettre que la tendance positive, obtenue au prix de grands efforts, soit inversée », expliquait hier le président Xi Jinping alors que les autorités redoutent une seconde vague. 189 personnes venues de l’extérieur et porteuses du virus seraient ainsi entrées sur le territoire. Le plus souvent, il s’agit de Chinois revenant de l’étranger. Pour faire face, Pékin impose désormais une quarantaine dans des hôtels réservés à toute personne arrivant de l’extérieur. Sauf aux voyageurs vivant seuls, aux plus de 70 ans, aux mineurs et aux femmes enceintes, qui peuvent rester chez eux.
Depuis le 10 mars, les seize hôpitaux temporaires de Wuhan ont fermé. Ces établissements construits à la hâte ont guéri 12 000 patients présentant des symptômes légers et dont la construction reste « une innovation majeure dans l’histoire de l’action médicale », se félicitait le Quotidien du peuple. Et Bruce Aylward, épidémiologiste de l’Organisation mondiale de la santé, d’abonder : « Face à un virus jusque-là inconnu, la Chine a sans doute déployé la réponse la plus ambitieuse, agile et agressive de l’histoire pour confiner une maladie. » L’annonce, mercredi, de la reprise progressive de l’activité économique au cœur de la métropole confinée depuis six longues semaines se voulait un autre signe encourageant de l’endiguement du coronavirus, avec seulement 34 cas nouveaux enregistrés jeudi, tous importés. La Chine comptait ce jour-là aucune nouvelle contamination d’origine locale, une première depuis le début de l’épidémie. Les entreprises médicales, les services publics qui fournissent le gaz et l’électricité, le secteur agroalimentaire et les supermarchés redémarrent sans délai. Les compagnies ayant « une grande importance dans la chaîne de production nationale et mondiale », comme l’automobile, l’informatique, l’électronique et le textile devront obtenir une autorisation avant la reprise de l’activité, expliquent les autorités provinciales. Signe que la Chine, qui joue un rôle incontournable dans les chaînes de valeurs mondiales, entend voir repartir la croissance mondiale au plus vite.
Le pays doit devancer une nouvelle phase de la mondialisation
À l’échelle nationale, la deuxième puissance mondiale livre également des signes de relance progressifs dans le tourisme, le trafic maritime, la construction et les transports. Un grand retard est à rattraper : selon de premières estimations, la croissance au premier trimestre devrait s’établir à 2,3 % en glissement annuel au lieu de 6 %. Il est pourtant prématuré de dire que la Chine est totalement sortie d’affaire. D’une part, parce que la crise économique et sociale est installée et que de nombreuses inconnues continuent de peser. Notamment sur la capacité du reste du monde à juguler l’épidémie et à raviver l’activité. D’autre part, le plan de relance massif envisagé par les autorités centrales ne suffira pas à relancer dans l’immédiat les exportations. Depuis le 18e Congrès du PCC en 2012, la Chine a acté la réorientation de son modèle de développement vers la stimulation de la consommation intérieure afin de moins dépendre des échanges.
C’est d’autant plus vrai à l’issue de cette séquence qui a mis en lumière la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondialisées et les risques liés à une dépendance extrême à la Chine en temps de crise. En clair, la Chine doit devancer une éventuelle nouvelle phase de la mondialisation afin de ne pas pâtir d’un redéploiement de la production. Dernière inconnue pour Pékin : l’attitude des États-Unis. Les deux puissances économiques sont engagées dans une phase de désescalade commerciale mais encore loin d’un accord final. La « phase 2 » n’interviendra pas avant l’élection présidentielle américaine de novembre, dont nul ne connaît l’issue. Toutefois, on voit mal, avec le risque d’une nouvelle crise économique, un président américain – quel qu’il soit – ajouter à la catastrophe en relançant les hostilités avec la Chine.
Lina Sankari Journaliste à L’HUMANITE