Bonjour chers Exploratologues,
Vous vous demandez peut-être comment j’ai atterri ici ?
Qui peut bien être cette co-lectrice de l’ombre dont on entend parler de temps en temps depuis quelques années ?
Il y a quelques années, Marjorie avait posté une annonce en ligne sur une espèce de Tinder de l’amitié, mesbonnescopines.com, un réseau d’entraide assez sympathique qui a malheureusement disparu depuis : elle cherchait quelqu’un-e pour tester le site d’Exploratology.
De mon côté, je répondais aux annonces de ce site en vue de procrastiner loin de ma thèse, ce qui a été tellement efficace qu’à ce jour je ne l’ai toujours pas soutenue. En outre, à cette époque, je gagnais mon salaire en provoquant le maximum de bugs possible sur des logiciels et des sites. Bref nous nous correspondions parfaitement.
Nous nous sommes trouvé des lectures communes (Howard Zinn ce jour-là si je me souviens bien), et avons découvert que nous sortions toutes deux de Sciences Po.
Pour parler un peu de mon parcours, après cette école, j’ai continué dans la recherche en anthropologie. J’ai travaillé sur la question du droit d’asile et de ses juridictions en France.
Suite à plusieurs rencontres, j’avais commencé à travailler en parallèle dans le domaine associatif autour des situations de handicap pour finir par travailler en Haïti dans la formation pour adultes. Tombée en passion pour le pays, j’en ai fait mon terrain de recherches : j’ai tellement bien cherché que j’en suis revenue avec celui qui allait devenir mon mari.
En parallèle (encore ????) je créais des bijoux. J’avais d’ailleurs débuté une reconversion pour le CAP bijouterie via les cours du soir de l’école Boulle.
Je ne m’ennuyais pas. Enfin pas trop.
Dans le doute, j’ai eu deux enfants afin d’être bien certaine de m’occuper, effectué une reconversion dans l’informatique (oui, c’est assez éloigné de mes premières amours), adopté le fils de mon mari.
Histoire d’être bien bien certaine de ne pas m’ennuyer.
Mais surtout, je lisais. Tout le temps, sans arrêt, sans fin.
Quand je cherche un livre à lireEt cette rencontre avec Marjorie alors ?
Pour en revenir au jour de ma rencontre avec Marjorie, j’avais été épatée par son projet, par l’idée (les nombreuses idées) géniale derrière, par son enthousiasme, par la magie de pouvoir faire d’une passion, partager ses coups de foudre littéraires, un métier et même une entreprise.
Je suis une lectrice boulimique depuis toute petite, et j’étais ravie d’avoir trouvé quelqu’une avec qui parler livre et plein d’autres choses (comme, au hasard, le drame d’être réveillée à l’aube par des oiseaux grassematophobes ; le bonheur absolu de la soul food et en particulier du poulet frit ; l’addiction au piment…), bref, une amie.
Et comme une amie, elle est venue me tendre la main quand j’en avais besoin : concrètement, elle est arrivée chez moi avec plusieurs dizaines de livres alors que j’étais coincée, allongée sur un lit pour plusieurs mois.
Et elle m’a demandé mon avis : j’étais peut-être toujours allongée, certes, mais plus inutile. Je pouvais aider quelqu’un. Et ça, encore plus que les livres, m’a fait du bien.
Cela m’a appris à d-écrire précisément le pourquoi de mon opinion sur tel ou tel livre. J’avais d’ailleurs commencé l’exercice sur Sauvez Mozart, afin de convaincre Marjorie qu’il fallait absolument l’envoyer. Devoir convaincre pour un livre, et y parvenir, est réjouissant !
Depuis, je ne lis plus seulement pour moi mais aussi pour partager régulièrement mes coups de foudre.
Marjorie et moi lors d’une rencontre de rentrée littéraire avec un auteur que nous affectionnons toutes les deux, In Koli Jean Bofane
Comment je les partage, ces lectures ?
Ça se passe le plus souvent ainsi : suite à une insomnie de lecture qui se termine vers les trois ou quatre heures du matin, je noie Marjorie dans une série de messages passionnés lui vantant les mérites de tel ou tel titre. Ca a été le cas pour Les Singuliers, ou Née contente à Oraibi, un livre que j’aurais juré écrit pour moi (je souffre depuis plusieurs années de graves problèmes de santé liés à la colonne vertébrale) mais aussi capable de parler à beaucoup de lecteurs-trices. Pour prendre cet exemple, tout concourait à en faire un véritable coup de cœur : le style était suffisamment maitrisé pour accaparer la lecture (d’où la nuit blanche) sans supplanter le message, le contenu, proche du réalisme magique et parfaitement envoûtant.
Lorsque Marjorie m’a fait part de son envie d’arrêter Exploratology, je dois avouer que mon premier sentiment, très égoïste, était de la tristesse. De la tristesse en tant qu’abonnée, de la tristesse en tant que co-lectrice…mais aussi beaucoup d’admiration en fait. De l’admiration devant le courage de savoir passer le relais, de transmettre à quelqu’un d’autre sa propre création.
Et puis elle m’a proposé de faire partie de la continuité de l’aventure, et je dois avouer que j’ai été partagée entre une grande joie (moi ????) et une grande angoisse (moi ??????). A parts égales. Mais je suis prête à relever le défi !
Quand t'es à la fois content et angoisséComment je choisis les livres ?
A l’instar de Marjorie, il est difficile de définir mes histoires d’amour littéraires car je peux aimer (adorer) un livre pour différentes raisons (le style, le contenu, l’originalité, l’ambiance, les illustrations) ; même si je suis, en général, particulièrement exigeante.
Sur une dizaine de livres que je lirais, j’en aimerais, au sens de véritablement apprécier, probablement un, voire deux (ça vous rappelle quelqu’un ?). Même si beaucoup lire me permet d’affiner mes choix, je préfère d’une part rester assez ouverte quant aux genres que je vais tenter (jamais je n’aurais cru que des titres comme Le guide du voyageur galactique de D. Adams ou Watership down de R. (encore) Adams puissent autant me plaire et pourtant) ; et je reste d’autre part exigeante sur le style, la construction, la sensibilité d’un roman.
J’ai en lisant un regard non seulement littéraire, mais également anthropologique. Je pense que la fiction est une expression de la réalité d’une société à travers son auteur-rice. D’abord par ce que le roman en dit bien sûr, mais aussi comment il le dit et plus encore, ce qu’il ne dit pas. Un titre qui me plait véritablement cumulera des qualités littéraires et des qualités sociologiques.
Forcément cette attente m’a amenée à lire peut-être moins de titres aux thématiques légères que des ouvrages plus marquants, voire perturbants. J’aime qu’un roman me bouscule longtemps encore après sa lecture (là encore ça ne vous rappelle pas quelqu’un ?).
J’aime aussi découvrir au-delà de nos frontières, et même si je ne peux véritablement lire que dans trois autres langues (anglais, espagnol et créole haïtien), j’adore en profiter pour profiter de titres non traduits en France.
En fait, j’ai lu Sartre et Kafka pour la première fois en espagnol, depuis le Mexique !
J’ai par contre perdu tout espoir de parvenir à lire en allemand après qu’une bonne âme ait tenté de me convertir à la philosophie de J. Habermas en VO. Ce ne fut pas une réussite.
Cela ne m’empêche pas d’apprécier des ouvrages plus légers de temps en temps. Toutefois ma définition de la légèreté ne remporte pas toujours les suffrages haha.
Bref, je peux lire avec plaisir de la SF Afroféministe, enchaîner sur un essai de philosophie, de la poésie russe, un roman policier mainstream américain, un ovni littéraire aussi créatif que déjanté en provenance d’Haïti (il n’est jamais trop tard pour savourer Frankétienne), pour finir mon week-end avec un manga des Clamp ou d’Ebine Yamaji !
Et mes lectures doudous ?
Il y a les amours classiques, mes véritables doudous pour les soirs de cauchemars, les nuits d’angoisse et les jours uniformément gris : Les Misérables, Au Bonheur des dames, Jane Eyre, Orgueil et Préjugés, L’affaire Jane Eyre et ses suites, et, last but not least, pour les plus mauvais jours, Arsène Lupin. Oui, j’ai été une adolescente amoureuse d’Arsène Lupin.
Il y a les amours de guerre, les textes qui me motivent et me poussent toujours plus loin, comme les écrits de Kafka, de Bertolt Brecht, de Zora Neale Hurston, de Toni Morrisson, toujours, de J. L. Borges (une autre de nos lectures communes avec Marjorie), G. G. Marquez.
Bien entendu, il reste celles qui sont probablement les plus importantes d’entre toutes : les amours d’enfance. Les textes que je connais encore par cœur : La petite Chevalière d’André Hodeir, La nuit des dragons de Sigrid et Fred Kupferman, Constance de Patricia Clapp, Balles de flipper de Betsy Biars…
Et le partage dans tout ça ?
Il y a quelque chose de magique à partager aujourd’hui ces lectures avec mes propres enfants, et à les voir m’en faire connaitre d’autres. Le partage de la lecture fait partie des meilleurs moments que je passe avec mes enfants. Ma fille, par sa dyslexie, me fait connaitre un rapport différent à la lecture, plus fait de ténacité et de courage que je n’ai jamais eu à en mettre en œuvre pour lire. Je pense que plus ils grandissent, plus ils influent ma façon de lire (et de vivre plus généralement en fait !).
Et puis il y a ces amours, plus nombreux, que je garde en moi en attendant de pouvoir vous les partager à vous. J’ai hâte de vous envoyer mon premier livre et de ressentir ce bonheur de discuter avec vous d’un personnage, d’un nouveau monde ou d’un auteur. Je suis certaine que vous influencerez aussi ma façon de lire (et sûrement même de vivre !). Je nous sais déjà bien similaires sur énormément de points, notamment nos immenses PAL…
Parlons-en des PAL…
Je confesse par ailleurs un terrible défaut. Je suis une accumulatrice compulsive de livres. Pas un peu. Pas beaucoup. Non. Dramatiquement.
Marjorie est choquée des bibliothèques situées dans mes toilettes, mais personnellement, il me semblait que les tas de livres dans la salle de bain étaient plus étranges. J’ai compris ma pathologie le jour où les militants Emmaüs m’ont assuré avoir déduit de mes achats que j’étais une bouquiniste..!
J’aime l’objet papier, et apprécie d’avoir de belles pièces de bibliophiles, ou des dédicaces ; mais j’aime aussi le contenu. J’ai donc logiquement trois liseuses pleines.
Dramatique, disais-je.
Mais comment résister à l’extravagance d’un Monsieur Toussaint Louverture, à la promesse d’un Serpent à plumes, à l’exubérance d’un Zulma, à l’assurance d’un Points, ou à la sobriété classique du rectangle blanc d’un Folio ? Comment ?!!
Mes livres… Et mes tableaux ! (deux collections en une !) Oui… Il n’y a plus de place, alors je dois superposer !
Quelqu’un s’est incrusté dans la bibliothèque…
Pour finir…
Je me suis amusée à vous faire un portrait chinois (littéraire s’il vous plait !), cela vaudra peut-être plus que mille mots :
– Si j’étais un signe de ponctuation, je serais « … ». Probablement le plus irritant de tous les signes de ponctuation. J’assume.
– Si j’étais un mot, je serais un adverbe. C’est un défaut absolument totalement complètement vraiment sincèrement rédhibitoire. Je me bats contre la contagion adverbiale de mon écriture depuis mon adolescence. J’en suis toujours à l’étape de l’échec. Ma relecture consiste en conséquence à rayer pléthore d’adverbes envahissants. Ils s’entassent aux pieds de mon bureau, prennent la poussière, tentent vainement de s’incruster dans un page pour finir desséchés dans l’aspirateur.
– Si j’étais un roman, je serais Jane Eyre. Tant de rebondissement, tant de tourments, tant de force !
– Si j’étais une héroïne de littérature, je serais Thursday Next, l’héroïne créée par le génial Jasper Fforde (je vous en reparlerai…souvent)
– Si j’étais un poète, je serais Ida Faubert, poètesse Haïtienne de la première moitié du XXème siècle dont je vous parlerai certainement un jour.
– Si j’étais un personnage de BD, je serais Eusèbio dans la série De cape et de crocs d’Ayrolles et Masbou. C’est incontestablement le plus mignon lapin féroce de la littérature. Oui, plus que Hazel ou Fiver, oui.
– Si j’étais une citation, je serais « when in doubt, go to the library ». Définitivement mon antienne, mon phare, mon guide (et la source de mes conflits avec mon mari qui est plus Youtube).
N’hésitez pas à me partager le vôtre ! Et à bientôt dans les box, j’ai hâte de commencer à partager mes coups de coeur et à papoter littérature avec vous.
Moi quand je me dis que je n'ai plus rien à lire ^^