Je crois que j’ai serré la main
à une phrase qui s’éloignait déjà
ou à une inconnue qui avait une étoile dans la poche.
J’ai dû embrasser les lèvres d’un hasard
qui ne s’était jamais retourné vers moi.
J’ai attrapé la poésie, cet espoir virulent.
Voilà un moment que ce clair symptôme de jeter
les instants devant soi était devenu une chanson.
Ne plus être confiné dans un langage étudié,
s’emparer du mot libre, exister, résister
et prendre garde à ceux qui parlent d’un pays mort
alors que ce pays aujourd’hui nous regarde.
À présent, on m’interroge, c’était écrit :
« Votre langue maternelle ? » Le souffle.
« Votre permis de séjour ? » La parole.
« Vous avez chopé ça où ? » Derrière votre miroir.
« C’est quoi alors votre dessein, étranger ? »
Que les mots soient au monde,
même quand le monde se tait.
J’ai attrapé la poésie.
Avec, sous les doigts, une légère fièvre,
je crève d’envie de vous la refiler,
comme ça, du bout des lèvres.
***
Carl Norac (né en1960 à Mons, Belgique) – Deuxième poème de Carl Norac en tant que Poète National.