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Richard Wagner et Louis II de Bavière vus par le Charivari en juin 1865

Publié le 18 mars 2020 par Luc-Henri Roger @munichandco

Richard Wagner et Louis II de Bavière vus par le Charivari en juin 1865

Caricature publié dans Der Floh en 1876

La Bavière au regard de la France. Le journal parisien Le Charivari du 16 juin 1865 publiait un article humoristique signé Louis Brémond se gaussant de l'engouement du roi Louis II pour la musique de Richard Wagner. Louis II a accédé en mars 1864 au trône de Bavière et a presque aussitôt appelé le compositeur à sa cour. La Prusse joue des muscles. La guerre des Duchés (également appelée seconde guerre prusso-danoise ou seconde guerre de Schleswig) avait opposé la Confédération germanique puis l'Empire d'Autriche et le royaume de Prusse au Danemark, du mois de janvier à octobre 1864. Un an plus tard, en juin 1866, éclatera la guerre austro-prussienne dans laquelle la Bavière, alliée avec l'Autriche, perdra ses premières plumes. L'inquiétude est palpable, mais le roi Louis II s'occupe de musique. 
LES NOUVEAUX MARTYRS.
On s'occupe beaucoup d’une foule de choses de médiocre importance et pas assez de certains évènemens [orthographe d'époque, ndlr]] qui mériteraient d’attirer toute notre attention. Lors de la dernière insurrection polonaise tous nos vœux étaient pour ce malheureux peuple qui cherchait à recouvrer sa liberté. Les habitans [id.] des duchés attaqués par la Prusse et l’Autriche ont su aussi faire vibrer notre corde sensible. Nous courons le cœur tout joyeux aux secours des nations opprimées, et nous sommes heureux et fiers de verser notre sang pour elles.
En ce moment un pauvre petit peuple endure les plus horribles souffrances ; il tourne vers nous ses mains suppliantes, et nous regardons d’un autre côté, nous nous bouchons les oreilles pour ne pas entendre ses prières. Décidément nous devenons bien égoïstes et le monde doit commencer à avoir une bien triste opinion de nous. Hier, une députation composée d’une dizaine d’hommes est entrée dans les bureaux du Charivari
— Monsieur, nous dit l’un deux, nous représentons en ce moment toute la Bavière, car c’est elle qui nous envoie.  — Dans quel but?  — La France nous abandonne et nous venons lui dire que c’est très mal à elle.  — Qui donc vous opprime?  — Richard Wagner. Le roi lui a permis de faire représenter un opéra inédit.  — Ah ! pauvre peuple que vous êtes à plaindre !  — N’est-ce pas? Mille fois merci, pour cette bonne parole.  — Mais cet ouvrage n’aura probablement pas un grand nombre de représentations, donc, vous pouvez prendre patience.  — Après cet opéra Richard Wagner en fera représenter un autre, puis un autre, puis...  — Horrible !...  — Vous frémissez et yous avez bien raison. Pourtant vous n’êtes pas appelé à entendre tous ces opéras.  — Ni vous non plus, il vous est permis de rester chez vous. Louez un appartement bien loin du théâtre, fermez vos fenêtres avec soin et vous n’entendrez rien.  — Cela ne se passera pas ainsi.  — Pourquoi?  — Richard Wagner est l’ami intime du roi. Ce compositeur est le plus puissant personnage de la cour; c’est le Bismark de l’endroit.  — Sapristi !  — Et si notre souverain voit que l’on fait fi des œuvres de son ami, il est capable de vouloir se venger.  — Mais, lui, il ne souffre donc pas ?  — Nous ignorons comment il est bâti.  — Son tympan est sans doute crevé.  — Tous ses sujets le supposent. Nous sommes donc venus supplier la presse libérale de vouloir bien prendre notre défense.  — Vous pouvez compter sur elle.  — Nous ne le pensions pas. 
La députation se rendit ensuite dans les bureaux de l'Opinion nationale. 
Mais il s’agit maintenant de se transporter en Bavière, à la cour du roi. Wagner arrive furieux. 
— Sire, dit-il, votre peuple me méprise.  — Serait-il possible !  — Il ne veut pas entendre mon opéra. Hier, on a fait cinq francs de recette.  — Il y avait donc une personne dans la salle.  — Oui, mais pendant le duo d’amour qui dure une heure.  — Ce duo ravissant que je trouve trop court.  — Vous êtes bien aimable. Pendant l’exécution de ce duo, dis-je, l’unique spectateur, dans l’intention de m’être désagréable, s’est trouvé mal afin d’être emporté.  — Quel gredin ! je vais le faire arrêter et jeter en prison.,, Mais il me vient une idée !... Wagner, mon ami, vous serez vengé.  — C’est ce que je viens demander à votre majesté.  — Je vais donner des ordres pour que toutes les musiques militaires exécutent des morceaux de votre opéra. Elles en joueront toute la journée en se promenant à travers les rues.  — Mais votre peuple se soulèvera peut-être. — Il n’en aura pas la force, il sera abruti. 
Cette réponse ne paraît pas enchanter Wagner qui fait une horrible grimace. Le roi se frappe le front.
— Encore une autre idée, s’écrie-t-il.  — Le cerveau de Sa Majesté en foisonne donc.  — Toutes les personnes arrêtées pour un délit quelconque seront enfermées dans le théâtre pendant un certain nombre d’années, suivant le châtiment qu’auront mérité les coupables.  — Alors vous changez le théâtre en prison.  — Oui. On jouera votre opéra deux fois par jour. Mon idée est bonne, n’est-ce pas?  — Oui... oui... cer...taine...ment, balbutia Wagner.  — Et je vous nomme directeur de cet établissement pénitentiaire. Richard Wagner reste ahuri. 
A. Brémond.

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