Le vieil homme qui promenait son chien avec des gants Mapa verts

Publié le 16 mars 2020 par Desfraises

J'avais délaissé ce blog pour pleins de bonnes et de mauvaises raisons. Je n'aurai désormais plus l'excuse du manque de temps ni de matière à écrire. La situation inédite que nous connaissons actuellement devrait me fournir à la fois le temps et la matière. Chacun sa façon d'alimenter un blog. Cela va du journal de bord aux tutoriels, du journal intime aux chroniques littéraires. On peut partager, échanger, interroger. Les blogs qu'on disait moribonds devraient refleurir. Et j'en suis le premier ravi. À charge pour chacun de séparer le bon grain de l'ivraie, les nouvelles des fake news, les bienfaiteurs des fossoyeurs, les goûts et les couleurs.

Journal de bord. J1 avant confinement.

Scène en bas de chez nous. La pharmacienne montre l'exemple.

- Bonjour Messieurs Dames, pour des raisons de sécurité, ce sera une seule personne dans la pharmacie à la fois. Je ne touche pas vos cartes vitales ni vos cartes de mutuelles, vous les présentez simplement en les tenant. C'est pour notre sécurité à toutes et à tous et vous respectez 2 mètres de distance entre chaque personne. Tout devrait bien se passer, merci.

On annonce le confinement pour bientôt. Pour le moment, c'est pour moi un jour de repos presque comme un autre. L'hôtel où j'échange du temps et des sourires contre de l'argent fait encore partie des établissements dont l'ouverture est autorisée. Ma moitié est assignée à résidence pour cause de panne informatique majeure pour laquelle il n'est pas encore réquisitionné.

Sortie prudente jusqu'au pressing à Cinq Avenues, les deux employées munies de gants et de masques nous remettent le colis déposé chez elles. Elles affichent une mine inquiète ; ça n'est que le début de leur journée. Nous croisons un vieil homme qui promène son chien avec des gants Mapa verts.

De retour à la maison, je mets mentalement à jour une liste de choses à faire :
→ Écrire quotidiennement (c'est chose faite avec ce premier billet de blog).
→ Compenser la suppression de l'exercice physique (les déplacements vers et depuis le lieu de travail et les 8 000 pas que nous faisons en moyenne par jour) par des séances de Ring Fit (de la gym via une console de jeux, pour la faire simple).
→ Créer une liste Whatsapp famille pour renouer un lien distendu.
→ Conjurer ma phobie du téléphone et appeler les proches. Régulièrement.

J'absorbe le soleil sur le balcon et je contemple la ville qui se confine ou pas, qui angoisse ou pas contre un ennemi invisible qui chamboule tout. En bas, le jardin de la résidence voisine est en friche, les bancs n'ont pas connu d'humains assis sur leurs planches en bois décrépit depuis belle lurette. En presque trois ans que nous habitons ici, je n'ai pas vu une seule âme assise sur ces bancs. Ce matin c'est un papa et ses deux gamins qui s'y sont posés. Ils ne sont occupés ni à jouer au ballon ni à enfourcher les vélos qui mordent la poussière un peu plus loin. Le papa tient ses petits serrés contre lui. Il se penche et dépose un baiser sur la tête de chacun de ses garçons de 3 et 5 ans, j'imagine.

C'est l'instant de chaleur humaine que je souhaite partager aujourd'hui avec vous.