tue-toi tue-toi
ta vie est à marée basse
et le songe termine où il a commencé
et moi redisant mon nom à des hommes
occupés à défaire leur vie
tue-toi tue-toi
un soleil qui m’entre aux veines
pour y refaire mon sang
ma nuit qui n’est qu’une île noire
et les bateaux abordent au large de mon âme
et les hommes d’équipage jurent
en soulevant leurs bras autour du monde
tue-toi tue-toi
me disent encore les voix d’oeillets
et moi je regarde mon corps qui vit
avec des palpitations nouvelles
ma mémoire aigrie dans le vinaigre
tue-toi tue-toi
mais qu’ai-je fait de retuer mon ombre
comme un être définitif
mes mains sont vides de tout mal
et pourtant tue-toi tue-toi
comme une fixation de loin
et des oeillets qui sont rouges rouges
comme le sang qui crie en moi
***
Juan Garcia (né à Casablanca, Maroc, en 1945) – Pacte avec ma poésie (Saint-Germain-des-Prés, 1982)