Titre : Senso
Scénariste : Alfred
Dessinateur : Alfred
Parution : Octobre 2019
Alfred a obtenu avec « Come Prima » le fauve d’or du meilleur album au festival d’Angoulême. « Senso » est présenté non pas comme une suite, mais comme un pendant de cet album. Un récit sur l’intime, sur les blessures. Un récit sur l’Italie et sur la chaleur qui nous met dans un état second. Le tout pèse près de 160 pages et est paru chez Delcourt.
Deux êtres à la dérive.
Germano arrive à la gare avec six heures de retard. Personne n’est là pour l’accueillir. Il va alors rejoindre son hôtel à pied malgré la chaleur accablante. Arrivé là-bas, il apprend que sa réservation n’a pas été validée et qu’il n’y a plus de chambres disponibles car il y a un mariage. En plus, c’est le mariage d’un de ses anciens camarades d’école qui, justement, l’emmerdait à l’école… Germano va donc passer son temps à errer pendant un mariage qui ne le concerne pas pendant toute la nuit.
Je n’ai pas du tout accroché à cette histoire. Les enjeux sont limités, les coïncidences trop importantes et la pagination trop grande. Il y a des fausses pistes pas forcément exploitées, quelques passages oniriques. Cela me paraît un peu trop « sur-écrit ». C’est la description de deux êtres à la dérive qui se rejoigne, mais à quoi bon ? L’ensemble manque de corps, de révélations, de détails sur l’existence des personnages pour que l’on se sente impliqué. J’ai eu l’impression d’une succession de scènes où j’étais très extérieur.
Alfred exploite l’hôtel comme un personnage à part entière. Il est plein de sculptures et d’œuvres d’art et son parc immense est un endroit où les personnages vont se perdre (et de retrouver ?). Alfred joue sur les ambiances, avec un hôtel chaud et bruyant, en contraste avec le jardin calme et serein. Cela se retrouve dans les couleurs, chaudes d’un côté et froides de l’autre.
Au niveau du dessin, le trait d’Alfred est agréable à regarder. Il se permet quelques doubles pages plutôt réussies. Il est dommage que les expressions de son personnage principale soient aussi surjouées. Pour un ouvrage qui se veut subtile dans le propos, ça ne fonctionne pas. Quelques scènes érotiques sont aussi dessinées de part et d’autre de l’ouvrage. Elles utilisent un autre style graphique mais n’apportent rien de véritable à l’ouvrage.
« Senso » est un roman graphique dans l’air du temps. Il se veut sensible et subtil, mais à force d’augmenter la pagination des livres sans densifier les intrigues, on finit par s’ennuyer. Le début du livre est interminable et l’issue du bouquin prévisible. Bref, je suis passé complètement à côté de l’ouvrage. Il y a des qualités, intrinsèquement, mais ça ne suffit pas à le rendre prenant.