Le néo-tantra, le néo-advaita et autres néo-yogas comportent des éléments qui sont critiquables. C'est vrai. Il appartient dès lors à chacun d'exercer son jugement. Les scandales et faits divers tantriques ou yogiques sont là pour nous rappeler à ce bon devoir.
Mais certains croient encore que "c'était mieux avant" et que "c'est mieux ailleurs".
Une version presque fanatique de cet exotisme nourri de culpabilité occidentale est le traditionalisme. Ce courant souterrain mais influent se réclame de René Guénon, un platonicien médiocre qui, dans l'entre-deux guerre, a écrit des livres dans un langage simple. Il a prétendu divulguer la "Tradition Primordiale" dans ses branches chrétiennes (Action Française), hindoues (avec un Vedânta mal compris), puis islamiques (faisant les choux gras des islamistes tendance soufie). Certes, on me dira qu'il a "amené des gens vers l'Orient", qu'il a questionné les "Modernes". Mais à quel prix ? Quelques gouttes de sagesse non-duelle pour des torrents d'obscurantisme, sans oublier la croyance délétère qu'il existe une "Tradition" sacrée, inviolable, détentrice exclusive de la vérité. D'où le recours à l'argument d'autorité, avec ses procès en orthodoxie traditionnelle qui n'en finissent pas. Et des esprits infantilisés, des esprits religieux, des esprits croyants, voire des esprits fanatiques. Et une haine de l'Occident et de tout ce qui est moderne, scientifique, rationnel et progressiste, d'autant plus ridicule qu'elle est fondée sur l'ignorance à peu près complète de ce que signifient les Lumières.
Les traces de ce traditionalisme empoisonnent, à des degrés divers, toute la spiritualité contemporaine. Les Doctes Diafoirius de l'Ayurvéda, les imposteurs du shivaïsme du Cachemirie, les tartufes du "tantra" et autres gardiens du "Sanâtana Dharma" (comprenez l'hindouisme) débitent chaque jour dans les média et sur Internet. Les réactions actuelles des studios de yoga face à la pandémie confirment que nous vivons une pandémie de crétinerie à réjouir tous les charlatans passés et présents. Sans oublier les conspirationistes et leurs insipides fariboles.
Certes, tout ce qui est "nouveau" n'est pas forcément "meilleur".
Mais l'inverse n'est guère plus probant.Il y a des vérités jeunes et de vieilles bêtises.
La vérité n'est pas dans l'autorité, dans la croyance, ni dans la tradition.
La vérité est dans l'objectivité, dans la cohérence et l'efficacité.Il y a de l'obscurantisme dans les yogas traditionnels, il y a de la superstition dans l'âyurveda, il y a des âneries dans le tantrisme. Il y a du racisme, du sexisme, le tout alimenté par l'ignorance et le conformisme.
Les textes de yoga en sanskrit sont truffés de délires superstitieux, comme par exemple la khecârî-mudrâ (dans sa version hatha yogique) qui consiste à se trancher le frein de la langue dans l'espoir de boire une panacée qui s'écoulerait du cerveau ; ou encore la vajrolî-mudrâ, qui consiste à pomper son sperme, une fois éjaculé, dans la croyance que, si l'on garde sa semence, on vivra plus vieux, voire qu'on deviendra immortel et invulnérable. Que de sornettes ! Parfois dangereuses, toujours alimentées par l'ignorance, encore colportées aujourd'hui par certains, qui se disent scientifiques, comme les Steiner, les Rabhi, les Haramein, les Chopra et autres charlatans.
En ces temps d'épidémie la grande ignorance, l'ignorance crasse, se répand sur les réseaux sociaux, et les lamas tibétains ou les gourous ne sont pas en reste. Untel vante ses "bénédictions protectrices", tel autres se met en joie de partager ses "mantras", dont le plus puissant serait "l'Armure Vajra", un Abracadabra charabiatesque, transmise par des crétins sortis de je-ne-sais-quel Âge sombre. D'autres y vont de leur recettes dignes de Molière, sorties des entrailles de l'Âyuvéda, réservoir particulièrement riche en recette abracadabrantes. Pareil pour les tantras, l'astrologie hindoue et autres astuces taoïstes qui ont la cote chez les bobos-gauchos-capitalistes qui ont la culture d'un poulpe.
Les Védas, c'est un peu de poésie, mais surtout beaucoup de croyances hallucinantes de bêtise. Pareil pour le yoga. Pareil pour l'Âyuvéda, pareil pour le tantrisme. Renseignez-vous, allez voir dans les sources premières, dans les textes traduits du sanskrit.
Les tantras sont pleins de superstitions et de recettes de sorciers pour assouvir les fantasmes les moins avouables. Le "matérialisme spirituel" n'est pas une invention moderne, mais bien un héritage des traditions.
Le shivaïsme du Cachemire est l'exception. Et encore... il faudrait là aussi y regarder de plus près.Même le grand Abhinavagupta donne parfois dans le sexisme le plus banal. Par exemple, dans le chapitre VI de son Tantrâloka, il condamne les matérialistes, parce qu'ils sont aussi bêtes que "les femmes, les enfants et les vieillards". Selon lui, ces imbéciles iront aux Enfers, car ils sont aussi stupides que des femmes.
Alors la tradition ? Oui et non. Oui avec beaucoup, beaucoup de discernement, d'esprit critique, une forte dose de raison, toujours salvatrice. La tradition, ce sont mes amis. Je les aime. Mais j'aime encore plus la vérité. Je les écoute. Mais j'écoute encore plus la raison. Je les respecte. Mais je respecte encore plus le bon sens.
Si je devais conseiller un Mantra contre le conaro-virus, ce serait celui-ci, transmis par le vénérable Shrî Kântha : Sapere aude. A répéter et à méditer, sans modération.
Ceci étant, j'animerai, si le hasard et la nécessité le veulent, un séminaire sur "la Voie du Mantra" du 12 au 17 avril prochain, à Chardenoux. Bien évidemment, il ne s'agira pas des mantras au sens où on l'entend d'habitude. Pas de superstitions dans cette voie, mais de l'expérimentation.