couché sous le petit matin comme au revers de main
j’attends rêve somnole rabrouant jusqu’au cœur
le participe inquiet factotum du petit jour lorsque le
corps s’ébroue j’aime les mondes qui bégaient je
tiens ma force d’un tilleul comme d’autres d’un ouragan
route qui vagabonde et dans l’étroit passage qui lie le
crâne au cou je ré dessine mes cartes intérieures
mondes enfouis à naître à coup de pics à coup de pelles
remblais de langues et d’histoires – trop de chance !-
les lieux me comment aux pieds comme en bouche on
ressasse un arôme perdu je connais quelques cols
et leur étroit passage et qu’il faut monter haut pour
passer l’autre bord parfois plus simplement au
ras du sol j’attends qu’une énergie mystérieuse en ma
conscience nègre mette le temps en mouvement le temps
qui en moi exaspère l’espace et le concentre
auge lilliputienne taillée dans le granit qui capte les
reflets de lune abreuvoir de l’oiseau avant que le socle
ne la sèche pierre qui doucement conquiert le sens
du temps et de l’histoire pierre étonnée de devenir
sable et de couler tranquille entre des mains d’enfants.
*
je bois à l’âme inconsolable de la poésie au monde
énorme au petit jour aux fleuves impassibles je bois
à ton nom sur ma peau comme autre peau je sédimente
je bois à l’avènement à la traque buvard posé
sur les yeux des mots douce lèvre tannée des présences
je bois à la confiance qui enfante le jour aux nuits
aux axiomes aux violettes je bois aux tristes sires
et aux joyeux lurons aux parents aux amis à tous ceux
qui sont morts qui viendront aux petits tout
petits et plus petits encore je bois tout au fond du
gosier digues ouvertes à l’émotion au flot qui vient
je bois seul à seul et à ma confrérie celle des
indigents des teigneux des hagards celle des innocents
que la simple rencontre en sa lumière bouleverse
tous les visages que je n’ai pas croisés et qui me
manquent le dehors est mon dedans le dehors
m’habite et me comprends comme la plaine reçoit la
pluies je buvarde seul l’autre me réconcilie quand
j’aurai levé un à un tous les voiles tous les manteaux
superposé qui m »ont sauvé du froid que la question
sans réponse possible enfin me baignera que j’aurai
rendu ce qu’à d’autres je dois muscles et sang
vérités et tanières lumières et enfants jusqu’à la trace
tout que je serai rendu à mon expression la plus
simple un point un rien un espace peut-être
l’espace d’un instant serai-je encore serai-je
enfin qui je serai »
Monique Domergue, ce qu’à d’autres ed Jacques Brémond , 2020, 13 p. 20€
(Choix d’Isabelle Baladine Howald, dont on peut lire une note de lecture de ce livre).