Alias Boris Vian
" J'irai cracher sur vos tombes " & " Les morts ont tous la même peau "
Scénario: JOMORVAN
Dessin: German Erramouspe, Mauro Vargas; Rey Macutay, Rafael Ortiz, Scietronc
Couleur: Hiroyuki Ooshima
Glénat. Sortie le mercredi 11 mars 2020
Lectrices Hot, lecteurs Swing, vous connaissez forcément Boris Vian, le trompettiste, le chanteur, le compositeur, le producteur, l'écrivain. Dans sa brève et riche vie (1920-1959), Boris Vian traduisit des classiques du roman noir américain comme " Le grand sommeil " de Raymond Chandler. Avant, par jeu, Boris Vian, créa le personage de Vernon Sullivan, auteur américain de romans noirs dont Boris Vian traduisait les ouvrages pour la Série Noire chez Gallimard.
Sauf que Vernon Sullivan n'était autre que Boris Vian. Inspiré par ses lectures, Boris, aidé par son épouse Michelle qui l'initia à la littérature anglo-saxonne, écrit en 15 jours de vacances de l'été 1946, un roman dans le style de James Hadley Chase, où se mêlent sexe, mort et violence, " J'irai cracher sur vos tombes ". C'est Michelle qui lui suggéra " cracher " plutôt que " danser ". Face au succès de scandale, Boris renouvela l'expérience avec " Les morts ont tous la même peau ". Après tout Chase lui même était Britannique, né à Londres et a gagné assez d'argent pour finir paisiblement sa vie en Suisse, face au Lac Léman. Ses romans noirs étaient écrits avec un dictionnaire d'argot américain et de la documentation sur la pègre prise en bibliothèque.
Boris Vian, qui n'avait encore jamais mis les pieds aux Etats-Unis d'Amérique, était déjà fou de Jazz et bien renseigné sur la question raciale. Lui qui était Blanc et Français ne cessa de défendre l'Art créé par les Noirs aux Etats-Unis d'Amérique, plaçant systématiquement les musiciens noirs à leur place, c'est-à-dire au sommet. Il lui fallait lutter contre des montagnes de préjugés et tous les prétextes lui étaient bons, y compris ces polars parodiques, centrés justement sur les questions de couleur de peau et d'identité.
" J'irai cracher sur vos tombes ", c'est l'histoire d'un métis qui passe pour un Blanc, en profite pour séduire les filles blanches les plus racistes et les plus riches d'une ville de province américaine. Son frère, Noir, a été tué par le Klux Klux Klan parce qu'il fréquentait une Blanche. Sa vengeance sera terrible. Pas de place pour les sentiments.
" Les morts ont la même peau " c'est la situation inverse. Celle d'un métis qui a oublié ses ancêtres africains et ne veut jamais avoir affaire aux Noirs. Son épouse est Blanche et blonde, son fils aussi. Mais le désir de la femme Noire le travaille (le Money Maker en argot noir américain) et son demi-frère Noir le fait chanter. Il le tue pour s'en débarrasser et apprend ensuite que ce n'est pas son frère. Bref, tout cela finira mal. Pas de happy end dans les romans noirs de Vernon Sullivan.
Pour fêter les 100 ans de Bison Ravi, alias Vernon Sullivan, né Boris Vian les éditions Glénat nous proposent une version BD de ces romans noirs. Le trait est énergique, c'est bien dessiné et mis en scène. Ca se lit facilement , même sans whisky dans la main, cigare en bouche, ni beau mec ou petite pépée dans vos pattes selon vos goûts, lectrices Hot, lecteurs Swing.
Surtout, ces BD se lisent en écoutant les Maîtres de Boris Vian. Louis Armstrong chantant " Black and Blue " . " My only sin is in my skin. What did I do to be so black and blue ? " . Cf extrait audio au dessus de cet article. Et Duke Ellington dont " la musique est si érotique qu'elle en devient mystique " selon le joli mot de Boris Vian. Cf vidéo sous cet article.
Pour de vrais romans noirs écrits par un Noir américain décrivant puissamment le conflit racial aux Etats-Unis d'Amérique, lisez Chester Himes (1909-1984), écrivain déjà célébré sur ce blog, lectrices Hot, lecteurs Swing. Même traduits en français, les inspecteurs Coffin Ed Johnson (Ed Cercueil) et Grave Digger Jones (Fossoyeur Jones) vous feront passer de sacrés quarts d'heure.