Macron s'agite face au Coronavirus, mais faudrait-il oublier comment il a abimé l'hôpital public ?
La diversion et l'angoisseLa chronique de l'expansion du Coronavirus dans le monde, en Europe, en France, dans nos villes et nos villages est l'objet d'une focalisation médiatico-politique majeure. Chaque jour qui passe, le décompte à l'unité près du nombre de contaminés (613 puis 716), de décès (2, puis 9, puis 11), de foyers infectieux, de régions infectées obsède et occupe. Le virus monopolise les conversations (et même les blogs) - et tout le gouvernement semble y consacrer l'essentiel de sa communication politique; ça évite de parler du passage en force de la réforme des retraites grâce à l'utilisation factieuse du. 49-3.
Car oui, le recours au 49-3 pour "taire les débats" comme l'a expliqué le délégué général du parti présidentiel Stanislas Guerini est la démarche d'une faction incapable d'affronter l'explication publique et parlementaire de l'une des plus importantes lois, bâclée de surcroît, de son quinquennat: LREM, qui n'avait dédié que quelques jours à cet examen, fut outré de l'avalanche d'amendements de la gauche (et la droite) qui n'avaient d'autres objectifs que de freiner la machine pour exposer les dégats de cette loi.
Qu'importe, la Macronie a sorti son joker, provoquant le départ de quelques-uns des siens, au point qu'on se demande si à ce rythme des défections les macronistes ne vont pas descendre sous le seuil de la majorité absolue.
Bref, le Coronavirus est d'abord un divertissement politique, au sens littéral du terme.
Le ministre de la culture justifie la fermeture du Louvre, le ministre de la Santé convoque la presse pour déclarer en direct qu'il a signé un arrêté autorisant les pharmacies du pays à produire des solutions hydro-alcooliques pour répondre aux ruptures de stock. Il avait déjà interdit les rassemblements de plus de 5 000 personnes en milieu clos, puis déclenché le "plan blanc" dans l'ensemble des hôpitaux et cliniques du pays et du plan bleu dans tous les Ehpad.
Londres, février 2017
Le 21 février 2017, le candidat était à Londres, pour rencontrer 2000 Français expatriés dans la "5ème ville française". Macron livra la même bouillie libérale qui fut sa ligne de conduite après son élection, un plaidoyer pour la libéralisation de l'économie et du code du travail, une plus grande protection des premiers de cordée et l'avènement d'une "start-up nation" avec beaucoup de "premiers de cordée". Cette bouillie était un copié-collé à peine teinté de social des lubies libérales de Margareth Thatcher trente ans plus tôt.
Il choisit la restauration en exemple pour critiquer le droit social du pays qu'il prétendait gouverner - "Allez dans un restaurant à Paris, ils vous disent “Londres, c’est beaucoup mieux, il n’y a pas le seuil à cinquante”. Et les salariés, ce n’est pas ce qu’ils demandent le plus."
Il mentit aussi beaucoup, quand il insista sur combien ses ministres seront jugés chaque année aux économies budgétaires qu'ils auront réalisées: "moi, mes ministres, ils auront une responsabilité politique et tous les ans, ils répondront des économies que je leur demande de faire et un ministre qui ne sait pas faire des économies est un ministre qui ne reste pas." Macron s'est séparé d'un nombre record de ministres pendant ses 3 premières années à l'Elysée pour des raisons judiciaires, des scandales et quelques découragements fracassants comme Hulot ou Collomb). Ou quand il promis de donner plus de protection aux chômeurs, tout en restant flou sur les "contreparties" qu'il exigerait (en novembre 2019, Macron fit reculer l'accès à l'indemnisation, et réduit les allocations, pour près de 2 millions de chômeurs). Il promit à ces expatriés aisés des conditions fiscales plus clémentes ("notre système fiscal, d’ailleurs, est bien fait pour ça puisqu’il empêche les gens de réussir trop bien, certains d’entre vous, je pense, ont expérimenté.").
Il ne dit rien sur une quelconque réforme des retraites. Cette réforme n'était pas dans son programme officiel. Au Royaume Uni, du reste, les cotisations à la retraite publique sont si faibles (1%du salaire), que la retraite publique ne vaut rien.
Londres, mars 2020
Ce Royaume Uni où le candidat Macron venait promettre monts et merveilles à une fraction du club des riches qui le propulsa à l'Elysée était un modèle pour Jupiter jusqu'à la décision récente du Brexit. C'est un excellent exemple des ravages d'une politique (Thatcher, puis Blair puis Cameron) qui a refusé d'investir suffisamment dans sa santé publique.
La Health Foundation vient de publier un bilan décennal catastrophique, alors que le pays doit faire face, comme d'autres, au Coronavirus. Les auteurs du rapport dressent un constat pessimiste sans appel, un constat que même le gouvernement conservateur dirigé par Boris Johnson partage. "Lorsqu'une société est florissante, la santé a tendance à prospérer. La santé de la population ne dépend pas seulement de la qualité du financement et du fonctionnement des services de santé, aussi importants soient-ils" écrivent-ils. "La santé est étroitement liée aux conditions dans lesquelles les gens naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent et aux inégalités de pouvoir, d'argent et de ressources - les déterminants sociaux de la santé." La pauvreté s'est
- Depuis 2010, l'espérance de vie en Angleterre ne progresse plus, une première depuis 1900.
- L'espérance de vie suit les inégalités sociales - "plus la zone est défavorisée, plus l'espérance de vie est courte."
- En Grande Bretagne, les inégalités d'espérance de vie ont augmenté: chez les femmes des 10% des zones les plus défavorisées, l'espérance de vie a baissé entre 2010/2012 et 2016/2018.
- Les taux de mortalité ont augmenté chez les personnes âgées de 45 à 49 ans. "Il est probable que les conditions sociales et économiques ont nui à la santé à ces âges."
- La proportion de travailleurs pauvres dépasse les 55%
- la pauvreté concerne 4,5 millions d'enfants, en progression régulière depuis 4 ans
"Je veux me consacrer à fond à protéger les Français" aurait déclaré Macron à ses proches. Le jeune monarque aurait-il oublié les dégâts de sa politique ? Il a déshabillé la France, au motif qu'il fallait libérer les énergies des premiers de cordées pour le bénéfice du pays. Concrètement, cela a consisté à contenir asphyxier nos services de santé, désorganiser l'Education nationale, transformer les forces de l'ordre en forces de répression sans contrôle républicain.
En 2018, puis 2019 puis encore 2020, le clan Macron a ainsi exigé un milliard d'euros d'économies aux hôpitaux publics, en plus des déremboursements de médicaments et du gel des minima sociaux (hors minimum vieillesse) et des prestations sociales. Cette politique a trois conséquences évidentes, à plus ou moins brève échéance, que l'exemple britannique nous rappelle: une précarisation croissante de la population, une dégradation du système de soins, et une aggravation des conditions de santé.
C'est dans cette situation, au Royaume Uni comme en France, que le Coronavirus arrive. Le virus ferme la Chine, provoque des krachs boursiers, l'effondrement provisoire du commerce mondiale et, pour l'instant, la mise au chômage technique de milliers de salariés du transport aérien.
Au Royaume Uni, les retraites fondent comme neige au soleil aussi vite que les bourses s'effondrent.
Paris, mars 2020
En France, le gouvernement s'agite. Qui a oublié cette ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui juste avant de quitter son poste pour remplacer le candidat Griveaux contraint à l'abandon après que deux videos de son zizi en pleine masturbation aient été révélées au public déclarait que le Coronavirus n'arriverait jamais en France ? Sa collègue Muriel Pénicaud, ministre du Travail, est suffisamment ignoble pour s'agacer publiquement que des agents de la RATP invoquent le droit au retrait pour obtenir du gel hydroalcoolique après que deux de leurs confrères aient été infectés par le virus. La porte-parole du gouvernement renchérit, suivi par celle des transports.
Qui a donc "piquousé" de panique les Français en théâtralisant au maximum ce virus grippal ?
En France, les hôpitaux sont au bord du gouffre et Macron s'agite pour faire croire qu'il agit.
Sa véritable action fut celle du boa qui étouffe lentement mais surement, et espère le silence de sa victime. Les coupes dans la santé pour maintenir son coût à un niveau acceptable par la France d'en haut qui a d'autres moyens de se soigner ont été massives. Macron a aggravé la situation avec ses exonérations de cotisations sociales, non compensées dans le budget de la Sécu. A l'automne dernier, les fermetures de services, y compris d'urgence, par manque de moyens ou de personnels, se sont multipliées. Le nombre d'arrêts maladie augmente, les remplacements ne sont pas là, l'épuisement est manifeste.
Même à Mulhouse, nouveau foyer de Coronavirus, certains services d’urgences du Groupement hospitalier régional Mulhouse Sud-Alsace (GHRMSA) manquent d'urgentistes, au point qu'ils avaient été obligés de fermer par manque de médecins en septembre dernier.
Jupiter prépare les esprits, il est angoissé par l'explosion possible. Il n'a pas de plan de secours: "Une épidémie est de toutes façons inexorable" répète Macron. Si le virus se propage comme une grippe, le nombre pourrait attendre jusqu'à 100 000 personnes en France, nous dit-on.
Alors Jupiter sera nu, seul face à ses responsabilités. On comprendra, dans la douleur, le prix de l'incompétence et de l’égoïsme. Il pensait que son rééquilibrage budgétaire en faveur des plus riches - ISF, flat tax, exonérations de cotisations sociales, exit tax, réforme des retraites, etc - passerait facilement, que l'abrutissement ou la lassitude des gens ferait le reste. Le Coronavirus expose l’iniquité et l'impréparation de cette politique avec une brutalité que d'aucuns n'avaient soupçonnée.
Ce nouveau monde n'était que le dernier chapitre de l'ancien.
« Le pouvoir est domination : tout ce qu’il peut faire, c’est interdire, et tout ce qu’il peut commander, c’est l’obéissance. »
Michel Foucault, cité par LundiMatin
Ami castor, où es-tu ?