En ces temps épidémiques, les rassemblements sont suspects. On dira donc que c’est par prudence que je ne fréquente pas, cette année (une fois de plus), la Foire du Livre de Bruxelles, malgré l’assurance de pouvoir s’y désinfecter les mains plutôt trois fois qu’une. (J’interprète un peu un article de Livres Hebdo par lequel j’apprends aussi qu’une bière spéciale de la Foire du Livre se déguste sur place – mais pourquoi ne m’en avait-on rien dit ?) Mes souvenirs de la Foire du Livre, quasiment le seul événement du genre à faire de la résistance devant les risques de contamination (reportés ou annulés, les salons ou foires de Bologne, de Paris, de Leipzig, de Londres, j’en oublie), sont multiples et j’ai dû les éparpiller ici ou là dans des notes de blog que ni vous ni moi n’aurons le courage de compiler. J’en retiendrai aujourd’hui, la faute à un rêve flou qui m’y transporta dans la nuit de mercredi à jeudi, au moment où la Foire était inaugurée, une impression générale. L’excitation d’y être, le plaisir de retrouver des têtes connues et pas croisées depuis longtemps, de faire de nouvelles connaissances, aussi. Et puis, assez vite, après une heure ou deux de ce capharnaüm livresque, l’envie très forte d’être ailleurs, dans un endroit plus calme – pour lire. Quant à ce qui se passe à Bruxelles ces jours-ci, les échos m’en arrivent comme assourdis par la distance, mais ils arrivent – malgré le peu d’enthousiasme qui se manifeste dans l’animation des réseaux sociaux par l’équipe de la Foire. Rassemblez Twitter, Facebook et Instagram, et vous ne saurez pas grand-chose de ce qui se passe à Tour & Taxis.
Gilbert referme doucement la porte derrière lui. Il s’avance de quelques pas vers le centre de la pièce, retenant son souffle comme s’il cherchait à dissimuler sa présence. L’obscurité l’empêche de distinguer les contours de cette chambre dont il connaît pourtant les proportions par cœur. Normal, elle servait autrefois de salle de jeux, et même s’il n’y faisait que de rares incursions, il en garde un souvenir très précis. Il se rappelle parfaitement le vieux canapé dans lequel ses filles se vautraient pour lire leurs bandes dessinées, les étagères surchargées de jeux et de livres, la table qui leur servait de bureau pour faire leurs devoirs, des bricolages ou du dessin…