Il est une chose certaine, Aimé Nouma possède le sens de la formule. Ce titre en est l’exemple. Il s'amuse avec les mots et les rimes comme ces artistes dans un cirque jonglent avec 5 ou 6 quilles en même temps.
On retrouve dans ce second recueil préfacé par Josyane Savigneau des thèmes analogues à ceux de son premier livre intitulé Les pleurs du mâle. L’homme pleure moins. Mais sa sensibilité permet de nous rendre vivant des lieux anciens de la ville, des espaces par lesquels nous passons dans Paris sans trop en questionner la mémoire. Comme Montmartre par exemple, qui autrefois, fut le mont des martyrs : lieu de sacrifices aux heures lointaines du paganisme, lieu de persécutions des chrétiens ou théâtre des violences de la Commune. Tout de suite l’ancien faubourg mal famé et très joyeux de Paris prend une tournure différente. Les bruits, les coups de feu, les violences s’invitent dans cette lecture méditative.
Dans le premier slam qui introduit cet ouvrage, Aimé Nouma met tout de suite les pieds dans le plat. Le slam est son sésame. C’est sa fenêtre ouverte sur le monde. C’est son axe d’observation. C'est le cadre de sa prise de parole. Lui le fils de Cham, descendant de polygames, digne mangeur d’ignames, il a rangé son tam-tam pour s’emparer du slam et le travailler à sa sauce sans être dans la sauce. N’est pas slameur qui veut. Dans cette entrée en matière, Aimé Nouma se définit et s’assume. Le slam est un choix de vie dans lequel il s’éclate. Mais, il dit avant tout, à tue-tête, d’où il vient. Peut être peut-on regretter qu’il ne s’attarde pas trop sur ce Cameroun où il a vécu. Mais, le slam, le vrai n’est-il pas une résonance de ces maux qui peinent à s’extirper des parois épaisses en béton de nos sites urbains ? Le processus de création. Des mots sur les maux. Puis la scène. Car le slam impose cette scène. Il faut dire les mots sur scène.
Il rend hommage à sa daronne dans Maman m’a marqué. Une photo illustre l’enfant qu’il fut dans les bras de sa mère noire.
« C’est une femme belle comme la nuitLes slams partent dans de multiples directions. Comme lorsqu’il évoque la mémoire du cinéaste français Jean-Pierre Mocky ou quand il prend un vol Paris-Québec qu’il termine à coups de becs. Je ne faisais plus le crack sur un bon sample et interprété par un rappeur kickant avec maestria donnerait lieu de très beaux enchainements. Sur ce slam, il n’y a pas que les rimes, il y a la cadence, la rythmique des vers qui se répondent. Et du sens.
Qui m’a donné le jour
Une femme de la couleur de la suie
Qui m’a conçue, couvé avec amour »
Il convoque aussi une Afrique soumise dans un poème bien senti : Mama Africa, terre à fric
« L’Afrique veut être libre et souveraine, c’est son droit!
L’Afrique veut tenir ses propres rênes, elle y a droit!
Mama Africa, Terre à fric. »
Ainsi continue Nouma dans son recueil de slams. Je terminerai par un texte qui m’est resté dans la tête. Il me fait penser à ces rencontres complètement anodines comme celle qui a inspiré à Olivier Tshimanga, un autre artiste reçu au Week end Africain, la très belle chanson Adja. Aimé Nouma nous parle lui de la réception dans une maison d’hôtes du côté de Gap. Et, comme tout travail puisé dans la culture hip hop, il part en free style pour nous partager un bon moment loin de ses bases parisiennes. Bref, En vers et pour tous ! Bonne lecture.
Aimé Nouma, En vers et pour tousGrandvaux Editions, 65 pages, première parution en 2017