(Disparition) Gérard Arseguel par Alain Paire

Par Florence Trocmé


Poezibao publie aujourd'hui un ensemble autour de l'écrivain Gérard Arseguel, disparu ce samedi 29 février 2020. Un hommage d'Alain Paire, ci-dessous et des textes choisis par Christian Tarting et Danièle Robert, dans l'anthologie permanente et dans les Notes sur la création.

Décès de Gérard Arseguel,
poète des « choses simples et intenses »

Gérard Arseguel était né le 26 février 1938. Ses enfants et ses amis qui fêtèrent son anniversaire ignoraient qu’une mort accidentelle l’emporterait pendant la matinée du samedi 29 février 2020. Un singulier alliage d’intelligence, de gravité et de discrétion, une violence ardemment contenue n’ont pas cessé de l’habiter. Parce que son œuvre est à la fois « brutale et délicate », Antoni Tapiès fut l'une de ses plus vives références.
Il avait 20 ans lorsqu'il publia à Marseille, en 1958, ses tout premiers poèmes chez Action Poétique, la revue d'Henri Deluy. Jean-Jacques Schuhl et Gérard Guégan furent les grands amis de sa jeunesse marseillaise. La chambre de bonne qu'il occupait, quand il était élève d'hypokhâgne au lycée Thiers, se situait au 27 de la rue de Lodi.
Arseguel vivait à Thèze, dans le retrait d’une maison de village des Alpes-de-Haute-Provence. Jusqu'à son départ en retraite en 2001, il enseigna le français et le latin au lycée Paul Arène de Sisteron. En qualité d'enseignant, il fut une figure significative de qui pouvait être après Mai 1968, une personne qui connaissait admirablement Hérodote, Hésiode, Virgile, l'Italie de Stendhal, Nerval et la poésie contemporaine. L'un de ses proches amis, Christian Tarting m'a rapporté que lors de chaque rentrée scolaire, pour chaque premier cours, « avant toute chose », il lisait à ses élèves un poème de Milosz pour lequel il éprouvait une totale admiration.
A Marseille, le CipM ne manqua pas de l'inviter à plusieurs reprises, lors de lectures publiques données à la Vieille Charité. Un lien profond le rattachait à Avignon, l’amitié quasiment filiale qu’il éprouvait pour une figure marquante des Cahiers du Sud, Jean Tortel (1904-1993) : des poèmes d'Arseguel ainsi que des notes critiques étaient parus en 1962, dans la revue de Jean Ballard. Avec trois écrivains de sa génération, Joseph Guglielmi, Jean Todrani et Jean-Jacques Viton, l'exemple des Cahiers du Sud l'avait conduit à créer le collectif d'une revue de poésie proche des expériences de Tel Quel : Manteia parut entre 1967 et 1978, son ultime numéro était un hommage aux ouvriers de Lip.
Des éditeurs comme Flammarion, Christian Bourgois et André Dimanche accueillirent ses livres. Pour qui ne connaîtrait pas ses textes, on invitera à la rencontre de maisons de moindre audience. Une réédition de Messe basse pour Moussa ainsi qu'un Almanach des montagnes sont parus chez Fissile, un volume de proses, Le petit bois qu'aimait Gérard est rassemblé par la revue Mettray, dirigée depuis le quartier du Panier de Marseille par Didier Morin. À quoi s'ajoutent des petits tirages effectués avec des artistes : par exemple, Une Katabase, accompagné par des travaux de Jean-Jacques Ceccarelli. Danièle Robert et Christian Tarting ont préparé à propos de l'œuvre de Gérard Arseguel un cahier de la revue Europe. Vraie joie et vrai deuil, cette parution qui comportera des inédits, un entretien et une bibliographie, est annoncée pour le mois de mai. Dans l'incipit de ce numéro, on trouvera ce raccourci : « J'ai le souci d'écrire prioritairement des choses simples. Simples et intenses ».
Alain Paire.

Photo, photo Jean-Marc de Samie, CipM, 21 avril 1995