(Notes sur la création) Gérard Arseguel, dans le gruau des bourgeons de la langue

Par Florence Trocmé


Poezibao
publie aujourd'hui un ensemble autour de l'écrivain Gérard Arseguel, disparu ce samedi 29 février 2020. Un hommage d'Alain Paire, ci-dessous et des textes choisis par Christian Tarting et Danièle Robert, ainsi que ces "Notes sur la création".

dans le gruau des bourgeons de la langue

Dans le non-temps du Temps où se dissipe et joue le fredonné de toute langue, la poésie est par nature contemporaine. Surgie, elle est l’aube de la parole, la pensée à sa source et par temps clair, le royal autrefois, le piquant du fantôme
Si, fondamentalement en à-pic et abrupte, la folle et dionysiaque embardée du poème se soucie des mots qu’elle fait s’ébouler, ce n’est jamais au trébuchet d’un lexique contemporain qu’elle pèse son choix mais au volume d’air plaqué contre la langue, dans le gaz rajeuni de son insurrection. Car seul importe ce qui ne cesse de commencer.
« Pardi ! on se rebigophone » me dit l’ami Michel Giraud qui parle encore cette ancienne langue de l’intime que je n’ai pas conservée, sans doute parce que l’écriture m’a déporté dans le gruau des bourgeons de la langue tandis que la peinture l’a maintenu en lui-même.
J’ai un air (une forme) qui ne revient pas aux vigiles. Quand ils me voient entrer dans la grande surface, ils me suivent, le téléphone à la main. Ils devinent que je maintiens contre leur Hermès de rond-point le vol de l’Ange et sa lyrique, le ciel transparent sous les ailes, plume à plume, la poésie.
Gérard Arseguel, “Dans le gruau des bourgeons de la langue”, Triages, n° 30, 2018.