Cinema Paradiso*************************Solaris d'Andrei Tarkovski

Publié le 05 mars 2020 par Hunterjones
Chaque mois, dans ses 10 premiers jours, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers) et comme je le fais pour la musique (vers le milieu) je vous parle de l'une des mes trois immenses passions: le cinéma.
On a tous nos moyens de vouloir s'appartenir un peu, s'évaporer. Le cinéma peut-être une splendide évasion. Le moins coûteux des voyages.
Je vous parle d'un film qui m'a séduit par sa facture visuelle, ses interprètes, sa trame narrative, sonore, sa cinématographie, sa réalisation, son audace, ses choix. Je vous parle d'un film dont j'ai admiré pratiquement tous les choix.
Et tente de vous dire un peu pourquoi.
SOLARIS d'ANDREI TARKOVSKI
Je vous ai parlé souvent de mon amour pour Tarkovski.
Les films du réalisateur russe sont moins des divertissements qu'ils sont des environnements. On dit souvent qu'ils sont trop longs, trop lents, mais c'est aussi se tromper que penser ainsi. Si un illusionniste ne nous berce pas, on est pas le bon cobaye pour lui. Je suis parfait candidat pour des films de GodardSolondzAllenCoenLynchAntonioniFelliniSorentino Tarkovsky.
Tarkovsky utilise la profondeur de champs et les plans larges pour nous ralentir les sens. Pour nous plumer des écorces que la vie nous fait pousser afin de nous protéger des intensités quotidiennes. Entrer dans un film de Tarkovski c'est entrer dans une rêverie, une zone de méditation. Quand il étire une scène,  nous avons deux options, en être ennuyé, ou encore réfléchir sur ce que nous venons de voir, ce que l'on anticipe ou encore savourer le moment.

Dans son film Nostalgie, un personnage marchant dans une piscine abandonnée, sans eau, chandelle en main. Il essaie de traverser la piscine vide, chandelle en main, allumée sans que celle-ci ne s'éteigne. C'est la scène finale du film. Quand la chandelle s'éteint, il revient sur ses pas. Comme si il s'était fait un pari intérieur qu'il réussirait. Ça dure 8 minutes 30 avant qu'il ne réussisse. Tarkovski c'est pas pour tout le monde. Des soupirs seraient facile à entendre face à de telles scènes. D'autres y entendront de merveilleux silences.

Tarkovski est un prompt russe. Reçevant un prix, il avait dit, outré, que le cinéma était une pute, chargeant 5 sous hier et 5 dollars maintenant, que le cinéma serait libre seulement quand il aura appris à redonner. Ce à quoi l'acteur Richard Widmark avait ajouté, lorsque lui aussi honoré, "..laissez-moi vous nommer de formidables pimps: Bergman, Hitchcock, Fellini, Welles..."
Mais son manifeste reflète parfaitement comment il tournait. Ses films sont des explorations de la nature humaine. Et Solaris ne fait pas exception. Même si c'est un film de science-fiction. Ces questionnements sur l'existence l'ont mis sur la liste noire en Union Soviétique et l'ont forcé à l'exil. Les sorties de ses films ont été difficiles, mais une fois trouvés, quelles belles expériences!

La cinématographie de Vadim Tusov est d'une grande beauté. Natalya Bondarchuk aussi. Elle n'avait alors que 19 ans.

Le film est routinement appelé "la réplique humaine de Tarkovski au froid 2001 de Kubrick".  C'était vrai, Tarkovski adaptait le livre de 1961 de Stanislaw Lem, qui pourtant avait écrit un livre qu'il voulait froid. Et franchement pas humain. Lem s'intéressait aux transformations des choses. Surtout pas aux transformations humaines. Le film de Kubrick se tournait vers les choses, Tarkovski dirige son film vers l'intérieur. Et il pose des questions sur la nature humaine et sur les réalités des personnalités humaines.

Tarkovski essaie consciencieusement de créer de l'art profond. Il a une vision romantique de l'individu, en mesure de transformer sa réalité par la force de ses propres philosophies.
C'était trop peu russe, il a dû s'évaporer lui aussi.
C'est son film qui sera le plus vu hors Soviétie. C'est étrangement aussi son moins préféré des siens.
Pour moi, c'est une formidable évasion.
Lancée en salle quand j'avais 4 mois et 9 jours, en 1972.