Malgré ses intentions louables, son casting habité et son propos dans l’ère du temps, Scandale peine à marquer durablement les esprits. Tel un pétard mouillé, le film ne provoque jamais l’effet désiré, trop occupé à se donner du style plutôt que de conférer de l’envergure à son histoire. Aussi intéressant et révoltant soit le fond, c’est en effet davantage la forme qui interpelle ici.
A la manière d’un Martin Scorsese ou d’un Adam McKay, Jay Roach opte effectivement pour un montage extrêmement rapide, retranscrivant au pas de course l’environnement toxique de la rédaction de Fox News. Un choix technique/narratif plutôt judicieux dans l’optique d’insuffler du rythme au long-métrage, mais totalement désastreux pour développer convenablement les enjeux et les personnages. Et ça ne manque pas puisque les trois actrices, pourtant excellentes, n’ont définitivement pas la place suffisante pour offrir à leurs personnages toute la complexité qu’ils méritent. A vrai dire, seule Margot Robbie parvient à tirer son épingle du jeu, proposant une performance touchante dans la peau de cette jeune journaliste dont les rêves vont se heurter aux dérives du système. C’est en effet à travers elle que le film montre frontalement le harcèlement, celui-ci prenant une forme plus insidieuse (mais tout aussi néfaste) le reste du temps. Dommage toutefois que l’équilibre entre les différentes histoires soit si précaire, le message global perdant de sa force.
Côté casting, signalons aussi l’interprétation fantastique de John Lithgow en Roger Ailes. Aussi effrayant que charismatique, l’acteur confère à son rôle de tyran une étonnante profondeur. Bien aidé par une écriture ayant la bonne idée de ne pas composer uniquement un portrait à charge, il propose une vision subtile du célèbre patron. Malgré ses nombreux défauts, il faut également reconnaître au film sa capacité à illustrer efficacement le manque de solidarité entre les employés, en particulier les femmes. Complètement terrorisées, ces dernières sont effectivement trop obsédées par la culture du succès (voulue par l’environnement médiatique) que pour risquer de tout perdre. Pour bousculer l’ordre établi, la libération de la parole est pourtant indispensable. L’histoire nous l’a encore récemment rappelé avec l’affaire Weinstein. Dommage pour finir que la forme amoindrisse à ce point la puissance du message, pourtant tout à fait nécessaire.Malgré ses intentions louables, Scandale est donc un biopic beaucoup trop sage que pour véritablement convaincre. Plombé par un montage ultra rapide laissant peu de place aux enjeux et aux personnages, le film ne parvient malheureusement jamais à proposer un traitement à la hauteur de son propos. Reste malgré tout des acteurs investis, Margot Robbie et John Lithgow notamment, et un message nécessaire.