Ces dernières semaines ont été marquées par deux gros bad buzz touchant les stations de ski à travers l'utilisation d'hélicoptères pour transporter de la neige d'altitude sur les bas de stations.
Comme chaque année, ce mode de transport avait déjà été pointé du doigt dans le cadre de la pratique de l'héliski, interdite en France depuis les années 80 mais encore largement tolérée et donc pratiquée par une élite prête à débourser de fortes sommes pour ce petit plaisir.
C'est bien entendu l'argument économique qui a prévalu fin décembre lorsque deux stations alpines ( Montclar dans les Alpes-de-haute-Provence et Sainte Foy Tarentaise en Savoie) ont eu recours à cette pratique : éviter des annulations, préserver l'emploi dans toute une station. Que représenteraient donc quelques milliers d'euros d'investissement et un hélico par ailleurs largement utilisé pour le sauvetage, l'entretien, ... ?
Quelques voix ont commencé à s'élever contre cette pratique sur les réseaux sociaux, d'autres l'ont au contraire défendu.
Mais lorsqu'en février la station pyrénéenne de Luchon SuperBagnères a utilisé, sous la tutelle du Conseil Départemental, le même procédé, les réseaux se sont enflammé. L'argument économique soulevé là aussi par le Président de l'institution, la direction de la station et les commerçants n'ont cette fois pas suffit à endiguer la vague d'indignation citoyenne écologique soulevée par ces images de l'hélitreuillage devenues donc insupportables.
À tel point que le gouvernement a dû réagir, convoqué une réunion d'urgence, et à court terme afficher une position, prendre des décisions qui pourraient dans l'urgence ne pas s'appuyer sur les réflexions menées de longue date par les acteurs concernés.
Au-delà de cette image choquante et de cette pratique pratiquée de longue date, avec des camions et autres moyens de transport, c'est la pratique même du ski et des infrastructures qu'elle nécessite que l'on pourrait remettre en cause dans une vison écoresponsable, l'argument économique ne tenant pas davantage. D'autant que l'enneigement artificiel via les canons à neige est déjà largement critiqué, l'alimentation en eau des foyers se voyant menacée en raison de l'appauvrissement des nappes phréatiques. Les défenseurs du ski et de son économie, comme le Maire de Valloires, ont bien du mal à trouver les bons arguments.
Nous évoquions en mai dernier le bashing auxquels doivent faire face de nombreuses entreprises et alertions sur le risque potentiel des destinations... nous y voilà donc !
Il y a donc fort à parier qu'après les stations de ski cet hiver, les stations balnéaires risquent d'y être confrontées cet été. Je fais le pari que le réensablage de plages va se retrouver sur le devant de la scène, le parallèle avec la neige étant assez évident.
Et demain va-t-on remettre en cause les piscines municipales ? Il ne s'agit pas là d'une dimension économique, mais plutôt éducative, et à des fins de loisirs, pour une pratique largement plus répandue. Il n'empêche que la construction de complexes à plusieurs millions d'euros, des frais de fonctionnement annuels pouvant atteindre le million d'euros, la vidange deux fois par an de milliers de mètres cubes traités via des procédés chimiques, pourraient bien questionner les citoyens de plus en plus enclins à affirmer leurs convictions.
Nos touristes étant de plus en plus sensibilisés, il va falloir s'attendre à ce qu'ils prêtent davantage attention aux lanceurs d'alertes, collectifs ou associations relevant les pratiques non écoresponsables.
Booking a reconduit en 2019 son étude annuelle, incluant cette fois-ci ses 18 marchés principaux, avec un échantillon de plus de 18 000 répondants :
- près des trois quarts (72%) des voyageurs dans le monde pensent que les choix de voyages durables devraient être une priorité !
- L'intérêt pour les hébergements écologiques ou écologiques augmente, 73% des voyageurs espérant séjourner au moins une fois dans un tel établissement.
- Les expériences durables sont également recherchées, 68% des voyageurs souhaitant voir l'argent qu'ils dépensent retourner dans la communauté locale.
Ce dernier aspect me paraît particulièrement intéressant. On sent une maturité de la part des touristes qui pourrait laisser penser, dans la mesure où vous produisez des efforts conséquents sur le sujet, formez vos prestataires, constituez une offre conséquente et évitez les actions susceptibles de bad buzz, qu'il y a de la place pour une écotaxe sur la consommation touristique, permettant de financer des projets locaux.
Sous réserves de mieux communiquer auprès de prestataires comme des voyageurs que cela est fait pour la taxe de séjour, de faire preuve de transparence, on peut vraiment jouer gagnant sur toutes les dimensions, en impliquant voyageurs et prestataires dans des projets/actions locaux donnant du sens et du contenu aux engagements de chacun. On avait évoqué ce sujet dans le blog à propos des travaux des Francophonies de l'Innovation Touristique à la Réunion avec l'idée d'une Fondation, sur les bases des travaux menés par Joël Gayet. La récente étude de ProTourisme, si elle corrobore les chiffres et intentions de celle de Booking, rappelle néanmoins qu'ils sont assez peu nombreux à accepter de payer plus cher pour satisfaire cette préoccupation, attention donc à ce que cela reste raisonnable et non excluant pour une partie de la population de voyageurs qui dispose d'un budget contraint.
Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, qui se lance dans un Tourisme Bienveillant, a d'ailleurs annoncé en octobre dernier la constitution d'un fonds de dotation : en cours de constitution avec d'autres acteurs du tourisme, ce fonds, unique en France, permettra d'engager des projets d'intérêt général (études, actions, soutien à d'autres initiatives). Cet outil contribuera à l'évolution de notre secteur vers un tourisme bienveillant, tout en garantissant sécurité juridique et défiscalisation pour les entreprises-mécènes.
Au-delà des pledges, serments et autres engagements que l'on a vu fleurir ces derniers mois, certaines destinations travaillent fort sur le sujet, jusqu'à identifier leurs prestataires, des expériences, dans une rubrique spécifique. L'un des exemples le plus frappant est probablement l' Office de Tourisme d'Helsinki, avec une des six rubriques principales du site consacrée à cette thématique.
En tout cas, les services comm' et les CM vont probablement prendre des petits coups de pression, il va falloir anticiper, gérer de plus en plus de crises, et communiquer en amont, réfléchir aux impacts de chacun des projets et actions mises en oeuvre à l'aune de leur réception par les divers collectifs. Cela me fait penser à ce que disait Florence Foresti lors de l'ouverture de la Cérémonie des Césars 😉
Ludovic a démarré sa carrière en Auvergne, à l'Agence Régionale de Développement, puis dans un cabinet conseil sur les stratégies TIC des collectivités locales. Il a rejoint en 2002 l' Ardesi Midi-Pyrénées (Agence du Numérique) et a plus particulièrement en charge le tourisme et la culture. C'est dans ce cadre qu'il lance les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel dont il organisera les six premières éditions à Toulouse. À son compte depuis mai 2011, il est Consultant etourisme, intervient sur de nombreux séminaires, manifestations et congrès, accompagne des structures sur leur stratégie, en AMO, ou en formation. Il organise les Rencontres Nationales du etourisme institutionnel pour le compte d'UNITEC et la Région Nouvelle Aquitaine à Pau, après les avoir initiées à Toulouse. En 2013, il co-fonde avec ses associés et blogueurs Pierre Eloy et François Perroy la société Agitateurs de Destinations Numériques, initiatrice des concepts d'Internet de Séjour, de Secrets Locaux et de Conciergerie de Destination. C'est à partir de ce travail quotidien qu'il se propose d'alimenter ce blog, en livrant ses impressions et commentaires quant au développement des nouvelles technologies au sein des structures publiques de tourisme.