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Aimé Nouma : Les pleurs du Male

Par Gangoueus @lareus
Aimé Nouma : Les pleurs du Male
Aimé Nouma est le premier artiste reçu dans le cadre du talk show Week-end africain dont j’aborde le travail. Il faut dire qu’on ne reçoit pas souvent des slameurs ou des poètes. Aimé Nouma-Tsang était venu nous parler d’un projet original de film musical sur la première guerre mondiale. Ce fut une soirée en présence de l’artiste ivoirien Dr FalaFala et la conduite de Malik Eudy.
Je m’étais promis d’aborder les slams de l’artiste camerounais dès que j’en aurais l’occasion. On s’est rencontré depuis avec Aimé Nouma et on a pas mal discuté à propos de son parcours, de son regard sur le slam et plus généralement sur le hip-hop. Le son de cet audio n'est pas très bon. Ce fut une discussion passionnante que j’essaierai de retranscrire. J’ai retrouvé dans Les pleurs du mâle, son premier recueil, le parcours d’Aimé Nouma-Tsang. Et on peut dire son cheminement est atypique. Un exemple de cette singularité de Nouma est le fait qu’il arrive relativement âgé dans ce mouvement qui prend son essor en France, à savoir le slam. Il vient sur ce terrain de jeux avec une vie bien remplie, un regard que j'ai trouvé très profond sur ses frasques, sur Paris, sur l'histoire...

Paris

Parlons de la poésie d’Aimé Nouma. Le slam est avant tout de la poésie. De très beaux poèmes peuvent être portés et mises en scène dans le slam. Je pense aussi que je dise, pour avoir assisté à quelques soirées slam ou au DEF Poetry de Mos Def et Russell Simmons, le slam peut juste se contenter d’être une prise de parole, une plaidoirie plus ou moins scenarisée. Les deux saisons de Def Jam Poetry sur OCS m’ont donné la puissance  de ce genre. J’aimerais dire que j’ai apprécié de lire ce texte et en particulier son ancrage très parisien. On visite des lieux que Nouma a fréquentés. Le 11ème par exemple. La goutte d’or, encore.  MontMartre et ses poulbots. Le Paris Saint Germain, d’une autre époque, plus heureuse. Bon, il n’y a Paris qui est investi. Saint Gratien aussi. Chaque fois, la poésie nous donne saisir une atmosphère des lieux. Quoi de mieux qu’un argot pour les porter.

Une jeunesse avec ses quatre cent coups

Aimé Nouma assume parfaitement son passé. Le football. Le(s) braquage(s). Les sorties. Les femmes. Les potes. De manière très heureuse et ses poèmes ou ses slams sont très chaleureux. Textes sur la jeunesse, il y a la fameuse bande, il y a les femmes. Il y a le gigolo qui se débine quand les choses se corsent et que sa conquête a des désirs de maternité. Il y a là le portrait d’un homme solitaire, singulier, influençable et en même droit dans ses bottes. Il peut aller piocher loin dans ses souvenirs comme lorsqu’il évoque le déménagement avec ses parents au 57 rue d’Argenteuil à Saint Gratien alors qu’il entre en CM1.

Des personnages et des maux

Un slam peut être consacré à un personnage particulier. Je pense à Mitch Parish. Comme vous constatez, ça rime entre ceux qui trichent et ceux qui sont riches. Hommage à un english men in Paris. Il y a aussi Dédé de Montreuil, l'artiste de la zone. Ces portraits sont souvent drôle et le slameur y joue un max avec les sons et les mots. Un autre slam déporte le lecteur ou le spectateur vers une Marianne à qu’il reproche son amnésie sélective. Le texte est éminemment plus politique puisqu’on Aimé Noumé y explore les contradictions françaises de l’Occupation à nos jours :  [Marianne change de disque, couplet 2] 
Une demi-décennie, décimée, résignée
entre Sytème D,
délation, résistance poussive
et collaboration pas si passive
Tu attendais des jours meilleurs
qui ne pouvaient venir que d’ailleurs :
de soldats moins railleurs, plus batailleurs
comme tes nombreux tirailleurs, […]

[Marianne change de disque, couplet 3]
Libération, libres actions, libations
Tu as su enterrer tes morts,
renouer avec ton folklore
et sans le moindre remord,
retrouver tes airs de matamore!
Tu te voulais de nouveau une grande nation
mais tu avais mal au colon
alors… tu as crié: « Sus à l’indochinois! Sus à l’Algérois! »
qui n’avaient, pour seul tort, que d’être moins forts que toi…
… comme l’histoire ne le démontra pas.
p56-57
Ces deux extraits vous permettront de saisir la qualité du projet du slameur. Il faut espérer que ce texte soit de nouveau rapidement disponible pour vous faire voyager dans le Paris d’Aimé Nouma. 
Aimé Nouma, Les pleurs du MâleUniverslam Editions, 79 pages

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