Phil Collins, ce mal-aimé (à raison)

Publié le 02 mars 2020 par Storiagiovanna @StoriaGiovanna

Phil Collins fait partie de ces artistes clivants. Soit on considère que Genesis n’existe plus sans Peter Gabriel – Le Mari, le Beau-frère et pas mal de potes –, soit on estime que Phil Collins pète la classe – feu mon cher tonton. Jusqu’à récemment, je me situais dans cette posture entre-deux, celle de se dire que, qu’il fasse quelque chose ou non, j’en avais rien à foutre. J’en suis même venue à troller ceux qui me disent que Genesis n’est plus Genesis mené par Phil Collins qu’il faudrait qu’ils se demandent si Genesis était déjà Genesis avec Peter Gabriel.

En vrai, je ressentais non pas une certaine sympathie, mais une observation amusée pour Phil Collins. La plupart de ses chansons ne me transportaient pas des masses, mis à par Another Day In Paradise, intronisée chanson de la connexion mystique avec ma meilleure amie. Je vous explique : nous la jouions ensemble adolescentes sur son piano, et il est arrivé plusieurs fois où la chanson popait à la radio, je me mettais à l’appeler et elle coupait elle-même sa radio qui diffusait la même chose. Connexion mystique, vous dis-je.

Plus j’avance dans mon exploration de la musique et de mes émotions personnelles, et plus je ressens de l’antipathie pour l’œuvre du monsieur. Outre le fait qu’il me rappelle avec douleur le décès du tonton suscité – et, vous connaissez l’histoire, toute musique associée à une personne qui est sortie de ma vie est derechef blacklistée –, j’ai découvert la part sombre de ladite œuvre. Comme dirait l’expression mèmesque : What have been heard can’t be unheard, et je ne peux plus faire semblant d’aimer Phil Collins parce que j’aime une ou deux de ses chansons.

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Je vais donc exposer en deux points mon inimitié avec Phil Collins. C’est totalement subjectif et gratuit, mais ça a le mérite de s’appuyer sur des faits.

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Phil Collins, cover singer médiocre

Nous sommes bien d’accord qu’il est plus aisé de juger un artiste sur son œuvre originale que sur les œuvres qu’il a reprises. Malgré tout, faisons un comparatif avec un cover singer TRÈS quali, j’ai nommé Joe Cocker. De base, il n’y a même pas de comparaison possible, quand tu vois l’ami Joe qui dépasse 9000 en termes de charisme vocal, et le Phil qui a l’implication vocale d’une brique de tofu nature. Ca, déjà, c’est dit.

Bref, quand Phil Collins reprend une chanson, on a l’impression qu’il ne s’implique pas et qu’il n’y a aucune aspérité émotionnelle qui s’en dégage. Et je vais le prouver par deux fois.

Cas n°1 – Tomorrow Never Knows (1981)

Dernière chanson de l’album Revolver des Beatles (1966), Tomorrow Never Knows a marqué son époque, d’une part de par sa complexité technique (entre les loops diverses, l’utilisation de cabines Leslie…), d’autre part par l’installation d’une ambiance totalement folle, voire lourde et oppressante quand on l’écoute en mono.

La même chanson reprise en 1981 sur l’album solo Face Value est un remix en version minimaliste du bouzin. Alors oui, la batterie est trèèèès présente – en même temps, de la part d’un batteur, on ne s’attend pas à ce que ça surmixe l’accordéon –, mais les loops ne sont pas très inspirées et cette putain de nappes de claviers… Rajoutez à ça un mec qui chante comme s’il chantait le bottin, et vous avez le niveau zéro de la reprise.

Cas n°2 – You Can’t Hurry Love (1982)

Enregistré sur l’album The Supremes A’ Go-Go (1966), le titre écrit par le trio Holland-Dozier-Holland est considéré comme l’un des plus grands succès du groupe mené par Diana Ross, voire même comme un des titres les plus emblématiques des années 1960.

En 1982, pour son deuxième album solo Hello, I Must Be Going, Phil Collins a donc décidé de faire un copié-collé de la chanson. Mais comme il n’a pas l’aura de Diana Ross ni le sens de la production de Berry Gordy – on y reviendra en temps voulu –, la chanson s’écoute, oui, mais… qu’est-ce qu’on s’emmerde.

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Phil Collins, producteur à chier

Car oui, si je suis si remontée contre Phil Collins, c’est parce que j’ai trouvé un motif pour lequel je ne lui pardonnerai jamais ET JE DIS BIEN JAMAIS : avoir produit deux des pires albums de mon dieu Eric Clapton, à savoir Behind The Sun (1985) et August (1986). Alors, oui, avec Genesis et même avec ses albums solo, il avait su se faire la main. Mais sa technique appliquée à une légende vivante qui remonte la pente après une période très sombre et qui ne se fait pas confiance artistiquement, et bah ça fait une crêpe au caca.

On pourrait argumenter que, pour ces deux albums, les compositions de départ, si ça se trouve, étaient mauvaises, et que la production ne pouvait pas faire grand-chose pour sauver le bouzin. J’avouerais que, pour August, c’est le cas : il n’y a effectivement rien à sauver sur cet album. Par contre, le problème ne se pose pas en ces termes pour Behind The Sun. Et pour le prouver, nous allons comparer une interprétation studio et une interprétation live d’une chanson de l’album, à savoir Same Old Blues.

– La version studio comporte de la basse synthé et des réverb à la con. C’est lourd à écouter, surtout quand on subit 8 minutes 15 de cette merde sans coupure.

– La version live (oui, je triche, je n’ai pas pris un live d’époque, mais un de 1997 avec Mark Knopfler) est moins mastodonte. Les réverb sont mieux réglées et ça fait un truc absolument génial.

Vous me direz à ce stade : c’est tricher, gna gna gna, t’as préféré prendre une version avec les standards du live des années 1990… OK. Je vous crois. Maintenant, faisons le comparatif d’une version studio avec une version live d’époque. Mesdames, Messieurs, She’s Waiting, première chanson enregistrée de Behind The Sun.

– On retrouve donc une version studio pachydermique mais néanmoins molle de la fesse que voici.

– Et voici donc la version du Live Aid 1985, qui parait donc tout aussi pachydermique (en même temps, on ne compte pas moins de 10 musiciens sur scène), mais plus enjouée et dynamique.

Sur les deux versions live, on retrouve également Phil Collins à la batterie. Et quand il ne maîtrise pas le mixage ni le son, tout de suite, et bah c’est moins désagréable.

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Rajoutons quelques nuances

Il est vrai qu’il est de bon ton de frapper sur Phil Collins à la batte de baseball, et que sa réputation de musicien médiocre lui fait porter le chapeau parfois pour des performances où il n’est pas le seul fautif. Revenons au Live Aid 1985.

 Au départ, Phil Collins ne devait jouer qu’à Philadelphie avec Clapton. SAUF QUE il s’est fait demander à la fois par Sting qui ne voulait pas jouer avec Stewart Copeland et qui était sur le concert de Londres ET par Robert Plant qui voulait faire une réunion avec Jimmy Page le concert de Philadelphie. Phil Collins avait d’ailleurs joué sur l’album solo de Robert Plant en 1982. Il a donc répété avec Sting à Londres, fait une ou deux chansons avec des pains au piano, pris le Concorde en n’ayant pas répété le répertoire de Led Zeppelin et joué avec Clapton.  Il se dit qu’au moment de jouer avec les membres de Led Zeppelin – puisque John Paul Jones s’était incrusté dans le bouzin –, il allait suivre Tony Thompson, batteur de Chic, qui était aussi sur le coup et qui avait répété. Tony Thompson a donc battu comme un bourrin, pensant qu’il allait intégrer une nouvelle version de Led Zeppelin – puisque les trois protagonistes survivants étaient là. Et Phil Collins s’est retrouvé à faire de la figuration avec Robert Plant qui chantait faux, Jimmy Page qui jouait hors rythme et John Paul Jones qui faisait ce qu’il pouvait. La postérité a désigné Phil Collins comme étant le coupable – il n’avait qu’à pas être là, ce con –, mais cette version de Rock and Roll prouve que le massacre était général.

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Bref, je n’aime plus Phil Collins pour diverses raisons évoquées. Malgré tout, méfions-nous des mauvaises réputations et ne prêtons pas de mauvaises intentions là où il n’y en a pas. Sachons toujours argumenter nos goûts musicaux, quitte à s’offrir quelques écoutes douloureuses.