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Imaginons un instant que cet aggiornamento fondamental survienne au pays du roi dollar. Ce serait un bouleversement sans précédent, pouvant influencer le monde…
Dans les tréfonds de cette Amérique rendue souvent incompréhensible à nos cerveaux européens, l’espoir vient de loin en vérité et il permet de fouiller l’enfoui d’une évolution que nous ne pouvons ignorer. Cet espoir porte un nom: Bernie Sanders. Par son incarnation et sa farouche volonté de transformation, il secoue désormais tout le Parti démocrate, engagé dans une bataille des primaires dont on sent bien qu’elle pourrait s’avérer historique. Ce mardi, avec le Super Tuesday, les électeurs de quinze États sont appelés aux urnes, dont la Californie et le Texas, grands pourvoyeurs de délégués. Pour le sénateur du Vermont, écarté par Hillary Clinton en 2016 dans la même course à l’investiture, l’enjeu est simple mais décisif: confirmer son statut de favori – les sondages l’affirment toujours – et rendre sa nomination incontournable pour affronter Donald Trump en novembre prochain.
Il suffit de voir l’affolement de l’establishment démocrate face à la dynamique Sanders – qui se réclame du socialisme – pour comprendre à quel point la route sera encore longue. Comme il y a quatre ans, ils sont nombreux et puissants, dans l’appareil du parti, à vouloir stopper cette espérance par tous les moyens, tous les artifices, quitte à s’en remettre aux descendants du système, que ce soit Michael Bloomberg, milliardaire à la culture sexiste et aux pratiques racistes, ou Joe Biden, ancien vice-président. N’en doutons pas: pris d’angoisse, certains démocrates continueront sans relâche de déployer une sorte de front anti-Sanders.
Pour les partisans de la «révolution» souhaitée par Sanders, dont une écrasante majorité de jeunes, le temps est venu de tourner la page et d’assumer un changement politique radical. Car pour les Américains touchés par la montée des inégalités – y compris les travailleurs ayant voté pour Trump par dégoût de la reproduction des élites –, les engagements du candidat constituent bel et bien une «révolution socialiste»: université gratuite, accès universel à la santé, retour à une fiscalité rooseveltienne, protection de l’environnement, etc. Imaginons un instant que cet aggiornamento fondamental survienne au pays du roi dollar. Ce serait un bouleversement sans précédent, pouvant influencer le monde…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 3 mars 2020.]