Israël 2020 : Benyamin Netanyahou vs Benny Gantz (3e round)

Publié le 02 mars 2020 par Sylvainrakotoarison

" L'intelligence est un capitaine qui est toujours en retard d'une bataille. Et qui discute après la bataille. " (Louis-Paul Fargue, 1929).

Ce lundi 2 mars 2020, les électeurs israéliens vont élire leurs 120 nouveaux députés de la Knesset. D'ordinaire, ces élections ont lieu tous les quatre ans, mais cette fois-ci, ce sont les troisièmes élections législatives en moins d'un an. En effet, après la rupture, le 16 novembre 2018, de la majorité issue des élections du 17 mars 2015, le Premier Ministre Benyamin Netanyahou, devenu minoritaire, a avancé les élections législatives au 9 avril 2019 pour régler ce problème (elles étaient prévues initialement au 5 novembre 2019).
Lui, Premier Ministre sortant, était, entre 2015 et 2018, avant cette rupture de majorité, à la tête d'une coalition de droite et du centre, comprenant 67 sièges à l'origine, puis réduite à 61 sièges après la rupture avec Avigdor Liberman (Israel Beytenou), juste la majorité absolue, dont son parti, le Likoud, représentait 30 sièges (23,4% des voix).
En face de lui, ce 2 mars 2020, il y a Benny Gantz qui est devenu, au fil des scrutins depuis un an, son adversaire numéro un. À la tête d'une coalition de centre gauche, appelée Bleu et blanc (les couleurs du drapeau israélien), Benny Gantz est entré en politique très tardivement, il est avant tout un militaire (comme c'est assez courant dans l'histoire d'Israël).
Le problème, c'est le mode de scrutin qui montre que lorsque le paysage politique est éclaté (parce que le peuple est lui-même éclaté politiquement), il conduit à une impasse institutionnelle. Le scrutin proportionnel empêche la formation d'une majorité stable et claire, voulue par les électeurs.
Lors des élections législatives du 9 avril 2019, Benyamin Netanyahou a gagné des électeurs avec 26,5% des voix, son parti, le Likoud a obtenu 35 sièges (sur 120). Tandis que son rival Benny Gantz a obtenu lui aussi 35 sièges, avec 26,1% des voix, mais sa capacité à élargir pour former une majorité absolue était beaucoup plus faible que celle de Benyamin Netanyahou. Cependant, le problème n'a pas été résolu pour autant car Avigdor Liberman, avec ses 5 sièges (1 de moins qu'en 2015), a continué dans son refus de revenir dans la majorité avec le Likoud, si bien que Benyamin Netanyahou est resté minoritaire avec seulement 60 sièges (insuffisant puisqu'il faut au moins 61). Quant à Benny Gantz, il a refusé de faire alliance avec les partis arabes et n'a pas pu proposer une coalition de rechange.
Le 30 mai 2019, la Knesset a alors voté sa dissolution pour organiser de nouvelles élections le 17 septembre 2019.
Mais ces nouvelles élections législatives du 17 septembre 2019 se sont soldées par le même constat, l'incapacité à rassembler une majorité de gouvernement. Benny Gantz a pris un léger ascendant puisqu'il a recueilli 33 sièges (avec 25,9% des voix) tandis que Benyamin Netanyahou est arrivé en deuxième place, avec 32 sièges (avec 25,1% des voix). Néanmoins, Benyamin Netanyahou avait une meilleure capacité à rassembler une majorité. Sans pour autant l'obtenir (seulement 55 sièges sur 120) en raison du refus d'Avigdor Liberman (8 sièges). Mais de son côté, Benny Gantz n'a pas non plus réussi à former une majorité (seulement 57 sièges), malgré une alliance avec les partis arabes (13 sièges), qui, pourtant, avaient jusqu'à cette date, toujours refusé de participer à une coalition gouvernementale.

En fait, la seule solution politique pour résoudre cette crise, comme les rapports de force ont peu changé entre les scrutins, c'était de former une grande coalition, comme à l'époque de Yitzhak Shamir et Shimon Peres entre le 13 septembre 1984 et le 15 mars 1990. C'est-à-dire, une alliance entre le Likoud et Bleu et blanc qui aurait alors 65 sièges sur 120. Mais les deux conditions qu'a imposées Benny Gantz étaient inacceptables pour Benyamin Netanyahou : d'une part, que Benny Gantz devînt Premier Ministre car il avait 1 siège de plus que son rival, et d'autre part, le retrait politique de Benyamin Netanyahou en raison de sa mise en examen imminente.
Et effectivement, Benyamin Netanyahou a été mis en examen le 21 novembre 2019 dans trois affaires de corruption, fraude et abus de confiance. Comme chacun est resté sur ses positions, après l'impossibilité de former un gouvernement, la Knesset a voté une nouvelle fois sa dissolution le 11 décembre 2019 et a fixé le nouveau scrutin au 2 mars 2020.
Avant le début de cette nouvelle campagne électorale, à cause de sa mise en examen, Benyamin Netanyahou fut défié en interne. Son leadership au Likoud a été en effet remis en cause par Guideon Saar, qui fut Ministre de l'Éducation du 31 mars 2009 au 18 mars 2013 et Ministre de l'Intérieur du 18 mars 2013 au 5 novembre 2014. Des primaires ont donc été organisées pour départager les deux hommes dans le but de conduire le Likoud aux nouvelles élections. Sans surprise, Benyamin Netanyahou les a largement remportées, avec 72,5% des voix (et une participation de 49,5% des adhérents du Likoud).
Ainsi, malgré sa mise en examen, Benyamin Netanyahou est toujours en lice pour se maintenir comme Premier Ministre à ces élections du 2 mars 2020. Ses très bonnes relations avec le Président américain Donald Trump peuvent lui servir d'atout pour convaincre les électeurs que la protection d'Israël serait mieux assurée avec son maintien pour poursuivre des relations qui n'ont jamais été aussi proches avec les États-Unis, qu'avec le venue d'un novice en politique dont le seul exploit serait d'être un "monsieur propre" de la politique israélienne.

Dans les sondages, les deux coalitions, celles de Benyamin Netanyahou et celle de Benny Gantz, sont dans un mouchoir de poche en intentions de vote et aussi en estimation de sièges, même si ces derniers jours, le Likoud semble avoir pris une légère avance. Les deux formations seraient créditées d'environ 33-34 d'estimation de sièges, les partis arabes d'environ 14 sièges estimés (stable) tandis que les autres partis seraient autour de 7-8 sièges estimés sauf le parti d'Avigdor Liberman qui serait en baisse (autour de 6 sièges estimés). En d'autres termes, la nouvelle Knesset ressemblerait à peu près à l'ancienne.
Bref, sauf grande surprise de dernier moment, non observable dans les intentions de vote, tout porte à croire que les résultats des élections du 2 mars 2020 seraient sensiblement équivalents à ceux du 9 avril 2019 et du 17 septembre 2019, ce qui aboutirait, une nouvelle fois, à l'impossibilité de former un nouveau gouvernement. Israël n'est pas le seul pays à avoir cette mésaventure institutionnelle, la Belgique n'a plus de gouvernement depuis les élections fédérales du 26 mai 2019, toujours pour les mêmes raisons des conséquences néfastes du scrutin proportionnel (l'émiettement des partis politiques).
Quand on observe ces expériences de crises politiques, quoi qu'on pense de la Cinquième République et même de son article 49 alinéa 3, on ne peut que se réjouir que la France, au-delà de tous ses problèmes sociaux, a au moins un gouvernement capable de gouverner dans la durée. Imaginons-nous sous la Quatrième République, sans gouvernement depuis des mois, avec la crise du coronavirus...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (01 er mars 2020)
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Pour aller plus loin :
Israël 2020 : Benyamin Netanyahou vs Benny Gantz (3e round).
Benyamin Netanyahou a 70 ans.
Les élections législatives israéliennes du 17 septembre 2019.
Poisons et délices de la proportionnelle.
Les enjeux des élections législatives israéliennes du 9 avril 2019.
Golda Meir.
La lutte contre l'antisémitisme est l'affaire de tous !
Les Accords de Camp David.
La naissance de l'État d'Israël.
Massacre à Gaza.
Emmanuel Macron et le Vel d'Hiv (16 juillet 2017).
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