Macron, Philippe et le 49.3

Publié le 01 mars 2020 par Guy Deridet

Le samedi 29 février Édouard Philippe a pris tout le monde par surprise en annonçant, à la suite d’un conseil des ministres extraordinaire, qu’il applique l’article 49.3 de la Constitution.



L'écobuage, souvent confondu avec le débroussaillement par le feu, est une pratique agricole qui consiste à « arracher d'un terrain les herbes qui le couvrent, les brûler et répandre les cendres », souvent pratiqué après l'été pour enrichir le sol avec la cendre générée sur place" Wikipédia. Très bonne définition de la politique de Macron. C’est-à-dire que le projet de réforme des retraites, après le délai de 24 heures (c'est peu, surtout un dimanche, et quand on n'est déjà pas d'accord) permettant à l’opposition de déposer une ou plusieurs motions de censure, la réforme des retraites sera adoptée sans discussion à l’Assemblée.

Examinons en détail cette aberration (légale) consistant à adopter une loi aussi importante et concernant tous les Français, sans la voter.

Contrairement à ce que le gouvernement et les médias répètent à longueur de journée depuis que le projet est entré en discussion à l’Assemblée, et en dépit des nombreux amendements déposés par l’opposition, le travail législatif commençait à porter ses fruits puisque (on ne l’a appris seulement qu'hier) sept articles de la loi sur les retraites, qui en comporte 65, avaient quand même été votés.

Une simple règle de trois nous révèle que si l’on s’en était tenu à ce rythme, et je rappelle qu'il allait s’accélérant et non le contraire, il eût fallu 35 jours pour voter les 65 articles de la loi.

Pour ceux qui auraient oublié cette règle :
7 articles en 13 jours, sur 65 articles.
Soit 7/13= 0,538 article par jour
Pour 65 articles
0,538 X 65= 35 jours,
Seulement !

35 jours, soit un peu plus d'un mois, cela n’a rien d’aberrant pour voter une loi qui se veut universelle, c’est-à-dire qu’elle concernera tous les Français (ce qui n’est jamais arrivé depuis la création des retraites en France) et alors qu’il existait avant ce projet de loi (et ce n'était pas un hasard) 42 régimes de retraite différents (!). Sans oublier (les courts débats à l'Assemblée l'ont démontré) que cette loi était, comme on dit dans la France d'en bas : ni faîte, ni à faire !

Par ailleurs cette loi ne commencera vraiment à s'appliquer que dans 25 ans !

Dois-je souligner qu’il n’y avait vraiment aucune urgence ?

Qui a fixé ce délai ? Le gouvernement, qui souhaitait faire adopter cette loi en trois semaines ! Mission évidemment impossible avec une loi aussi mal préparée et comportant tellement d'erreurs et de lacunes.

Pourquoi un délai si court ? Selon le gouvernement en raison de la proximité des élections municipales. Ces élections municipales sont prévisibles six ans à l’avance (!) Rien n'empêchait de suspendre les débats le temps des élections, pour les reprendre ensuite.

En fait, la manœuvre était cousue de fil blanc :

Macron et son gouvernement savaient pertinemment que cette réforme aurait du mal à passer dans le pays, et même à l’assemblée où pourtant LREM à la majorité absolue. Ils savaient parfaitement que cette loi ne pouvait être adoptée en trois semaines.

De fait, ils comptaient laisser faire un semblant de discussions pour les bloquer quand ils le voudraient, c’est-à-dire dans leur improbable délai de 3 semaines, avec le 49.3 et les ordonnance (encore une fois sans vote) qui vont suivre. Et qui seront nombreuses, vu l'état de ce projet de loi.

Mais il se trouve que les discussions ont fini par s'engager véritablement à l’Assemblée et que le gouvernement, sachant tout-de-même utiliser une règle de trois a calculé, à raison, qu’en dépit de ce qu’ils prévoyaient une bonne partie de cette loi pouvait être adoptée avant les élections municipales, et qu’en l’occurrence le recours au 49.3 risquait d'apparaître vraiment comme une manœuvre destinée à mettre un terme aux discussions gênantes.

De plus, les discussions en cours à l’Assemblée, dont les sept articles déjà votés, ont révélé à tous ce que l’on savait déjà, à savoir que ce projet comporte d'innombrables erreurs, lacunes et omissions et qu’il a été très mal préparé. Apparemment, Monsieur Delevoye n'a pas seulement une éthique à géométrie variable, il est aussi incompétent.

Cette mise à jour, publique et au plus haut niveau des institutions de notre pays, des contradictions de ce projet de loi, ajoutée aux doutes qui commencent à assaillir les députés de la majorité eux-mêmes, n’a évidemment pas plu du tout à Macron, qui a fini par demander à Philippe de mettre fin aux discussions en actionnant le 49.3.

En l'occurrence, vous noterez qu’aucun des deux ne se risque à revendiquer la paternité de cette décision, pour le moins capitale. C’est officiellement le conseil des ministres extraordinaire (réuni en fait pour les problèmes du coronavirus) qui aurait pris cette décision. Et tout le monde qu'au conseil des ministres, ce sont les ministres qui décident ( 😏)

Ils n’ont même pas le courage d’assumer leurs actes.

Édouard Philippe a déclaré : “Je ne mets pas fin aux débats, je mets fin aux non débats”.

Comme toujours avec ces deux-là, et tout particulièrement dans ces circonstances, il apparaît clairement que la réalité n’a rien à voir avec leurs assertions.

Cela ne leur pose aucun problème, ils nous prennent sincèrement et constamment pour des imbéciles.

En revanche, je subodore que les députés et le peuple français ne vont pas apprécier du tout cette façon, pour le moins anti-démocratique, de légiférer.

Je pose la question une nouvelle fois :qui sont dans ce pays les véritables fauteurs de troubles ?