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Un enfant d’une dizaine d’années débarque dans une nouvelle
école. C’est la troisième fois que cela lui arrive en six ans, son père est un
diplomate ghanéen et Osei subit donc les conséquences de ses changements de
poste. Avantage : il a vécu à Rome, à Londres, à Accra et à New York.
Inconvénient : la fin de l’année scolaire est proche à Washington D.C.
quand il découvre l’école primaire construite en brique à laquelle il va devoir
s’intégrer. Ou pas. Car Le nouveau,
dernier roman de Tracy Chevalier, situé dans les années 70, présente surtout le
cas exceptionnel, dans ce lieu et à cette époque, d’un enfant noir mêlé à des
élèves qui sont tous blancs.
« Un garçon noir
dans notre école – j’y crois pas ! », dit Blanca à ses amies Dee
et Mimi en guise de commentaire – et Dee lui demande de parler plus bas, de
peur qu’Osei l’entende.
Le récit tient en une journée, une seule. Elle ne sera pas
facile, Osei en est conscient : « J’aurai
déjà de la chance si j’arrive au bout de cette journée sans me faire tabasser »,
confie-t-il à Dee qui s’est très vite sentie attirée par lui. Parce qu’il est
noir ? différent ? sympathique ? riche de ses expériences
internationales ? Un peu tout cela en même temps, probablement. Si les
premières heures semblent se dérouler sans heurts, des sentiments ambigus
s’installent et une faille se creuse entre les deux enfants. La faute, en
particulier, à une machination montée par un autre élève, jaloux, autour d’une
trousse qui infléchira plusieurs destins.
Il n’est pas nécessaire d’être grand pour développer des
émotions fortes. Ce qui ressemble à l’amour est présent dans les cours de
récréation, matière à moqueries ou à envies. Et les haines sont féroces, au
moins autant que chez les adultes.
Tracy Chevalier s’est fait un nom d’autrice avec des romans
inscrits généralement dans un passé sur lequel elle se documentait d’abondance.
La jeune fille à la perle, ainsi que
d’autres livres, ont été accueillis avec un enthousiasme mérité. Mais elle nous
avait confié un jour n’avoir jamais voulu écrire des romans historiques. Les
personnages, leurs caractères, leurs trajectoires, sont au centre de ses
préoccupations. Il n’est donc pas si surprenant qu’elle se soit, avec Le nouveau, rapprochée de notre époque
contemporaine. Elle y préserve l’essentiel de ses qualités et même sublime
celles-ci dans la mesure où nous ne sommes pas distraits par le décor.
Osei et Dee sont des
enfants comme les autres, même si la couleur de leur peau les différencie –
surtout aux yeux des autres élèves, d’ailleurs. Même si l’expression du racisme
perce jusque dans le corps enseignant. Mais ils sont surtout bouleversés par ce
qui leur arrive – le bien et le moins bien. Dans l’exploration de petites têtes
en quête de leurs pouvoirs humains, la romancière abolit toute distance entre
nous, lecteurs, et eux, personnages. Aucune condescendance ne l’anime :
Osei, Dee et les autres réagissent avec une spontanéité qui doit pourtant tout
à la fiction, et c’est pourquoi Le
nouveau est un livre admirable. Sans avoir été jamais un enfant noir
projeté soudain dans une école blanche dans la capitale des Etats-Unis, on sait
maintenant ce que c’est. Et c’est terrible, bien qu’il nous soit interdit d’en
dire plus sous peine de gâcher la perception d’une tension de plus en plus
forte.