Hier je suis allée au cinéma voir Lara Jenkins après avoir vu une représentation des 1 ères années de l’Ecole du Lucernaire professionnelle : quelle cuvée, quel millésime, quel éventail de personnalités, quel échange avec le public. Leurs trois professeurs leur font travailler des textes et des sous textes très exigeants au niveau de leur état, leurs intentions avec un rythme, une exactitude dans toutes les transitions. Certains sont si étincelants, qu’ils emportent rires et larmes malgré ce travail de scènes ou monologues, travail normalement toujours un peu frustrant. Les textes : Molière certes mais aussi Falk Richter, Pessoa, le Soulier de Satin de Claudel, les lettres de Camus et Casares. On dirait une chaîne entre les promotions comme si les précédentes avaient passé leur témoin. Mon film d’après était lié au travail sur les talents. Impressionnant à quel point l’exigence peut cacher, dissimuler la frustration, l’aigreur, la jalousie. Il y a dans ce film, un professeur de piano et une mère ancienne pianiste et son ancienne élève, mais surtout elle est mère d’un prodige qui va jusqu’au bout malgré tant et tant de doutes, il joue dans une grande salle de concert sa première composition. Surtout si un professeur, une mère, un père, un ami vous dit que vous êtes la honte de votre art et de leur vie qu’il faut vous consoler mais que vous n’êtes pas fait pour cela, s’il va aussi loin repoussez le, mais surtout s’il vous empêche par des petites réflexions incessantes de prendre votre envol, partez, sortez du groupe, allez ailleurs travaillez en Province à l’étranger en Belgique au Canada, mais ne quittez pas votre passion et gardez « une patience éternelle » comme disait Michel Piccoli. Et sachez que vous pouvez reprendre la route, rejouer du piano, réécrire à tout moment et en attendant dansez, dansez, vous êtes tellement beaux quand vous dansez....comme dans l’excellente mise en scène flamboyante avec tous les élèves du Moliére de Philippe Person. La fin sur Dom Juan qui comme un condamné à mort allume sa dernière cigarette après que tous les autres élèves : hommes et femmes lui aient donné à entendre leurs mots d’amours au delà de la plainte par les mots de Done Elvire. Passage unique d’éternité plutôt que de modernité... Si Dom Juan avait bien écouté, il aurait été sauvé, mais il n’écoute rien le tres orgueilleux Dom Juan. Il suit son destin...
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