#2020RacontePasTaVie - jour 59, le vertige

Publié le 28 février 2020 par Aymeric


Je ne sais plus si je vous en ai déjà parlé mais je suis sujet au vertige.

J’en vois qui n’ont pas l’air surpris.

C’est vrai qu’après m’être décrit comme bigleux, maladroit, pathologiquement anxieux et dépourvu de sens de l’orientation, le vertige vient assez naturellement s’insérer dans le tableau.
On pourrait même penser que trop c’est trop et qu’on force artificiellement le trait pour la galerie.
Tel n’est pas le cas.

Car sachez Messieurs Dames que mon vertige a été dûment confirmé et diagnostiqué par un membre hippocratement assermenté de la profession médicale.
Et oui.
Et à l’âge d’un an s’il vous plaît !
(Mes parents s’étonnant que je me mette à hurler, vraisemblablement de terreur, aussitôt que je me trouvais perché sur des épaules d’adultes.)

Ça ne s’est pas amélioré.
Loin de là.

Par exemple, les promenades sur les ports me serrent le ventre, non pas à cause de l’odeur de marée façon « comment ça il n’est pas frais mon poisson ?! » mais par la faute de ces parois fonçant à pic vers l’eau.
Qu’un enfant s’avance un peu trop près du bord et je manque de défaillir de panique.
Traverser un pont m’est très pénible. Le plus éprouvant d’entre tous à Paris étant pour moi le Pont des Arts reliant les quais Malaquais et Conti et où le vide entre les planches de la passerelle laisse apercevoir les flots tumultueux de la Seine, loin, très loin sous mes pieds.

Bien que la montagne me soit un lieu plutôt agréable – en dehors des périodes et stations de sports d’hiver, cela va de soi – les occasions d’avoir le vertige n’y manquent évidemment pas.

Il y a déjà le trajet pour y accéder.
Depuis petit j’ai pour réflexe, dès que la pente se fait trop proche du véhicule, de m’accrocher à une poignée dans la voiture et de tirer comme si, par ce geste, j’allais pouvoir retenir la voiture du bon côté de la route.
L’habitude ne m’a pas quitté et me fait me demander à l’instant où j’écris si mes quelques passages sur la ligne de train Paris-Turin (en direction de Venise bien sûr) ne m’ont pas valu d’être fiché quelque part.

Ensuite, les longues marches en montagne sont généralement pour me plaire mais ce qui, pour beaucoup, tient de la récompense s’apparente davantage pour moi à un supplice. Quand au sommet apparaît le panorama dont mes compagnons se délectent, vous me trouverez allongé, agrippé au sol, rampant vers le bas jusqu’à ce que le vide ne se voie plus.

Mon incompatibilité avec les grandes verticalités marche d’ailleurs dans les deux sens.
Lorsque je me trouve au pied d’une tour, Montparnasse ou Eiffel par exemple, et que j’ose un regard vers le sommet mon estomac fait de drôles de bonds tandis que mon œil tourne et que mes jambes flageolent.
Ainsi le rituel instauré par Madame Mon Épouse offrant à chacun de nos enfants arrivé dans sa sixième année une visite de la Tour Eiffel s’est toujours fait sans moi, resté seul à la maison, tentant de ne pas trop imaginer ce qui peut se passer alors au-dessus du Champ de Mars.

Vous trouvez peut-être maintenant le portrait déjà trop chargé.
J’ai bien peur pourtant d’avoir en magasin de quoi pousser encore un peu le bouchon mais pas maintenant car le temps presse et votre patience s’use.