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Marseille, je t’aime, mais je te quitte. Ma vie est ailleurs, c’est comme ça. Ça me déchire les tripes, putain, de te dire que je ne serai pas là demain. Tu as beau me faire le coup du ciel bleu, du soleil plein les yeux, j’ai mon billet en main, je te laisse. Ça craint. Au nom de tout ce que tu m’arraches de regrets, je te jure de ne livrer mon âme à personne. Je t’appartiens. Tu as gagné le droit d’obnubiler mes pensées et de squatter mes rêves. Quelle insolence, n’empêche, de t’être immiscée comme ça dans ma vie, dulcinée en terrain conquis. Tu as posé là tes pattes salles de Noailles, inondé les quatre coins de mes sens d’odeurs d’aïoli et de poisson, de fruits pourris et de sable chaud, des klaxons excités des scooters – « eh, guignol ! » -, du goût d’un baiser d’amour dévergondé. Et les ampoules sous mes pieds, tu avais quoi à y gagner ? Tu me fais marcher. Et le Vieux Port et le Fort, et le Panier et les Calanques, et le Pharo et le Prado, et les cris et les rires, et la joie, et le parfum sucré, poivré, enivrant de ton corps tordu alangui sous le soleil brûlant de février, tu étais obligée ? Prétentieuse, va. Marseille, petite peste, je t’aime à m’en mordre les doigts. Moi qui m’étais jurée d’en finir avec les lamentations de veuve éplorée, je me remets à égrainer mon chapelet de fadaises. Marseille, mieux vaut qu’on en reste là jusqu’à la prochaine fois. Je pars me remettre au vert, bouffer du nuage, réexplorer le gris, mourir un peu. La passion, ça rend fada. Arrête de me parler comme ça. J’ai la tête haute. Ne me prends pas pour ce que je ne suis pas. Marseille, amante religieuse, diva, ambitieuse, attends-moi.
Je reviendrai, va.