L’efficacité du storytelling dans le milieu médical

Publié le 27 février 2020 par Dangelsteph

Le storytelling est efficace dans de nombreux domaines, je l'ai déjà expliqué plusieurs fois (et je remets quelques liens ci-dessous). J'ai aussi parlé de son application dans le domaine médical sur ce blog. Et bien là, je remets ce sujet du storytelling dans le milieu médical sur la table : pour dire que ça marche.

Quelques articles sur l'efficacité du storytelling :

- l'efficacité du storytelling en une infographie (je m'étais essayé à cette petite synthèse)

- l'efficacité du storytelling dans les présentations business to business (j'entends souvent dire que le storytelling n'est pas pertinent pour le BtoB, où, soit-disant, "on ne se raconte pas d'histoires, on est focalisé sur le factuel" : c'est faux !)

Une nouvelle étude universitaire sur le sujet efficacité - secteur médical :

Je me base sur un travail de recherche de Tricia Kassab de la Brandman University aux Etats-Unis (en Californie, plus précisément), réalisé fin 2019. Elle a enquêté sur l'utilisation du storytelling par les infirmières cadres de santé à destination de leurs équipes. Je ne sais pas si vous savez comment fonctionne le système de santé, mais les managers d'unités de soins infirmiers à l'hôpital sont appelés infirmières cadres de santé. C'est très intéressant parce que d'habitude, ce sont plutôt les pratiques de storytelling des médecins qui sont étudiées. Et pour eux aussi : le storytelling, ça marche !

Le storytelling peut déjà permettre au personnel médical de mieux comprendre l'expérience que vit le patient avec sa maladie et les soins aussi. Il humanise aussi la fourniture des soins et encourage le personnel à avoir une empathie encore plus forte avec les douleurs des patients. Le storytelling encourage aussi la discussion personnel - patients, ce qui peut aussi amener les patients à s'impliquer davantage dans leur mieux-être.

Quelques précisions sur la méthodologie de l'étude : c'est une enquête qualitative menée auprès de 10 de ces infirmières chefs, sélectionnées pour leur exemplarité (avec de vrais critères d'exemplarité mis au point par la chercheuse suivant une méthode scientifique). Pour ceux qui auraient déjà trempé dans la recherche universitaire (c'est mon cas), l'enquête a été réalisée en face à face sous forme d'interviews semi-structurés. En langage clair : c'est entre l'entretien libre, sans vraies questions, et l'entretien directif, avec des questions desquelles l'enquêteur ne peut pas déroger. Le monde académique aime bien les mots compliqués...

    Il est bon pour le relationnel avec les équipes :

Alors, qu'en est-il de l'efficacité du storytelling quand il est utilisé par les cadres infirmiers avec leurs équipes :

Quand les infirmières chefs racontent des histoires avec leur coeur, qui sont inspirantes et positives, cela renforce l'efficacité des relations avec les équipes.

Cela génère aussi plus d'engagement de la part des équipes. Les cadres de santé interviewées se sont même dites très à l'aise avec ce storytelling. Ce n'est bien entendu pas à des fins "publicitaires" (pour la propre publicité de la responsable ou pour l'hôpital) mais bien pour augmenter la qualité de la relation des infirmières de l'équipe au patient.

Des histoires positives sont ici importantes. Elles vont apporter aux infirmières "de terrain" la confiance nécessaire pour exercer leur fonction au contact des patients avec un maximum de sérénité. Ce n'est pas juste moi qui le dit : ce sont les personnels de soin.

En même temps, de telles histoires ont un rôle dans la satisfaction au travail des infirmières, et en corollaire un impact sur leur fidélisation (le turnover est, peut-être plus qu'ailleurs, un risque très dommageable dans ces métiers).

    La constitution d'une communauté est un atout clé :

Pour le côté pratique, ces histoires inspirantes sont principalement racontées lors des réunions de briefing - passage de consignes quotidiennes. Les personnes interviewées ont indiqué qu'elles pouvaient être à l'aise dans ce rôle, que ce soit dans le cadre de discussions en face à face, devant des petits groupes ou face à des auditoires plus larges.

    La génération de process collaboratifs :

La possibilité d'être réellement intégré dans une communauté est une clé pour développer des valeurs organisationnelles. C'est la connexion entre la communauté des soignants et la communauté locale, des habitants qui les identifie. Ces valeurs communautaires positives sont aussi déterminantes pour accomplir une mission qualitative de satisfaction des besoins des patients, et tout spécialement ceux qui sont en situation de grande vulnérabilité ou dans les secteurs sous-développés en terme d'offre médicale. Le storytelling a justement cet effet "tribal", capable d'unifier des équipes. Il va aussi permettre au personnel de faire un travail proactif auprès des membres de la communauté, en se familiarisant avec leurs besoins, ce qui ne pourra que faciliter des démarches de soins ultérieures. Se rapprocher des leaders de la communauté sera alors bien utile, surtout en zone rurale voire économiquement défavorisée, tout comme participer aux événements importants qu'ils organisent. Ou tout simplement relayer l'information avec des affiches, des flyers... C'est déjà, aussi, du storytelling : une histoire commune qui se forme.

Cela se fait à travers des approches basées sur le collectif, l'équipe. Et donc, une collaboration qui encourage la communication et la prise de décision pluridisciplinaire peut naître. Là encore, le storytelling est un instrument clé au service de ce type de résultats. Car le storytelling est hautement collaboratif dans son fonctionnement. Ce n'est pas un monologue. Une histoire, c'est un échange, un dialogue.

Un travail d'équipe dans cet univers si sensible est en plus important pour réduire les risques d'erreurs médicales pour un patient plus en sécurité.

Au passage, identifier des enjeux et des objectifs communs, c'est de l'intelligence émotionnelle, une discipline hautement connectée au storytelling, et que je propose dans mon nouveau catalogue de prestations (précision : c'est en page 8).

En partageant des points de vulnérabilité personnels. Ces histoires sont des preuves de courage et encouragent le développement d'une authenticité relationnelle et de relations de confiance. Et c'est autrement plus crédible que de se présenter comme Le supérieur hiérarchique infaillible. Cela rend aussi plus humain, avec humilité.

Il ressort de tout cela que :

Cette ouverture - confiance est génératrice d'empowerment des équipes avec une prise de conscience des risques et des possibilités de commettre des erreurs liés aux activités de soins. Quand l'organigramme laisse place à des relations moins distantes, plus "confraternelles", c'est effectivement possible. Cet empowerment va pouvoir donner naissance à de nouveaux leaders dans l'organisation hospitalière. En effet boule de neige, eux-mêmes vont pouvoir faire évoluer l'organisation.

les compétences de storytelling devraient faire partie de la formation des cadres de santé (et aux postes clés de leadership dans le milieu hospitalier). Il y a en effet beaucoup à y gagner en terme personnel pour les personnels de santé, et pour la qualité des soins ainsi que le bien-être des patients.