Jusqu'au 26 avril 2020
Commissaire : Aude Launay
Suis-je une travailleuse du clic, malgré moi, pour mon plaisir de retraitée ?
Et voilà que certaines de mes interrogations trouvent un début de réponse.
A commencer par mon premier GPS, qui m'amusait par ses facéties. En fait malgré sa voix synthétique, ce sont des petites mains qui s'activent derrière.
Je m'étais à peine trompée, lorsqu'en plaisantant je disais que :
" Juliette tourne les pages du bottin " car lorsque que je ne suivais pas la direction indiquée par elle, que je prenais une autre direction, elle avait un temps de réaction assez lent, qui me semblait incompatible avec un appareil
à la pointe de la technologie. Ou encore mon étonnement lorsque je me promenais outre Rhin, elle prenait l'accent allemand, cela me faisait bien rire, du coup j'en avais rédigé une chronique.
Quelle surprise aussi, Il y a quelques jours :
j'essaie de publier des photos sur un réseau social, avant d'avoir écrit, le texte pour justifier la publication, dès que le visage de la personne dont je souhaitais parler, apparait, son nom s'affiche !!!
Reconnaissance faciale en flagrant délit.
Aussi l'exposition de la Kunsthalle de Mulhouse, retient toute mon attention et excite ma curiosité.
Sous la houlette de Aude Launay les artistes,
Emanuele Braga & Maddalena Fragnito (MACAO) (IT), Simon Denny (NZ), Elisa Giardina-Papa (IT), Sam Lavigne (US), Silvio Lorusso (IT), Jonas Lund (SE), Michael Mandiberg (US), Eva & Franco Mattes (IT),Lauren McCarthy (US), Julien Prévieux (FR), RYBN.ORG (FR), Sebastian Schmieg (DE), Telekommunisten (CA/DE)... opèrent à la jonction humain-machine et ont pris cette interaction comme sujet de recherche et comme outil de production.
L'instant M (documentaire)
L'exposition s'attache à la question du taylorisme algorithmique qui est cette division du travail poussée à l'extrême chez ceux que l'on nomme les
" travailleurs du clic " et qui préfigure peut-être la fin du salariat comme organisation dominante du travail.
Libellée sous forme de quatre chapitres, les artistes tentent de répondre à ces hypothèses : Travaille-t-on à notre insu ? / A-t-on un algorithme pour supérieur ? / Fait-on office d'intelligence artificielle ? / Pense-t-on une société non centrée sur le travail ?
Alors que de plus en plus de capacités que l'on pensait propres à l'humain sont désormais applicables à des machines, comment penser le travail qui a justement longtemps caractérisé l'humain ? Qu'est-ce que le travail à l'ère numérique mondialisée ? D'un côté, un taylorisme algorithmique grandissant - la division du travail poussée à l'extrême chez les travailleurs du clic -, d'un autre, une illusion machinique persistante - nombre de tâches que l'on pense effectuées par des ordinateurs le sont en fait par des êtres humains de manière plus ou moins dissimulée.
Chapitre 1
Travaille-t-on à notre insu ?
Si l'exposition Algotaylorism s'ouvre sur cette vidéo de Julien prévieux, c'est que cette dernière en introduit parfaitement le propos. Chaque seconde que nous passons en ligne fait de nous un producteur de ces données dont se repaissent tant et tant d'entreprises et, bien souvent, un travailleur à notre insu. De nombreux logiciels et applications sont conçus pour extraire de la valeur de leur utilisateur quand c'est justement celui-ci qui croit les utiliser à son escient
Chapitre 2
A-t-on un algorithme pour supérieur ?
À l'automne 2018, à l'occasion de la publication d'un article des chercheurs Kate Crawford et Vladan Joler1, le monde apprenait, éberlué, le dépôt par Amazon, deux ans plus tôt, d'un brevet décrivant " une cage métallique destinée au travailleur, équipée de différents accessoires cybernétiques, qui peut être déplacée dans un entrepôt par le même système motorisé qui déplace les étagères remplies de marchandises ".
Ces cages étaient destinées à introduire des travailleurs humains dans la zone d'exclusion humaine de ses entrepôts. Car, si l'entreprise la plus puissante au monde2 utilise une main d'œuvre abondamment robotique, notamment pour le traitement de ses expéditions, elle continue de faire appel à des êtres humains pour certaines tâches, bien que ces derniers ne soient pas corvéables à merci comme ses betty bots qui, hormis pour recharger leur batterie, ne s'arrêtent jamais de travailler. Dans les entrepôts, c'est l'organisation algorithmique qui prévaut, les objets étant classés et agencés selon un ordre destiné à optimiser les allées et venues des robots qui vont et viennent chargés d'étagères emplies de marchandises. La cage, de dimensions équivalentes à celles d'une étagère, aurait été transportée de la même manière, soulevée puis acheminée par ces infatigables travailleurs mécaniques, en un paroxysme de la soumission du travailleur humain à la régie algorithmique. simon Denny en présente ici le brevet, sculpté à l'imprimante 3D pour en faire ressortir les éléments saillants, au sens propre comme figuré.
Chapitre 3
Fait-on office d'intelligence artificielle ?
Cleaning Emotional Data est la troisième d'une série d'œuvres d'
Elisa Giardina-papa explorant la manière dont le travail et le soin sont restructurés par les économies numériques et l'automatisation. Après Technologies of Care (2016) et Labor of Sleep (2017), cette nouvelle installation vidéo se concentre sur l'infrastructure mondiale des micro-travailleurs qui étiquettent, catégorisent, annotent et valident de grandes quantités de données visuelles utilisées pour former les algorithmes de reconnaissance des émotions. Au cours de l'hiver 2019, alors qu'elle faisait des recherches sur les systèmes d'informatique affective depuis palerme, Giardina-papa a travaillé à distance pour plusieurs entreprises nord-américaines qui disent mettre " l'humain dans la boucle ". parmi les tâches qu'elle a exécutées, on peut citer la taxinomie d'émotions, l'annotation d'expressions faciales et l'enregistrement de son propre visage pour animer des personnages en trois dimensions.
Certaines des vidéos dans lesquelles elle a enregistré ses expressions émotionnelles ont été rejetées car ses expressions faciales ne correspondaient pas parfaitement aux catégories affectives
" standardisées ". il lui a été impossible de savoir si ce rejet provenait d'un algorithme ou d'un autre travailleur à distance qui aurait pu interpréter ses expressions différemment en raison de son propre contexte culturel. Cleaning Emotional Data documente ces micro-tâches tout en retraçant l'histoire des méthodes et des théories psychologiques qui soustendent la schématisation des expressions faciales.
Chapitre 4
Pense-t-on une société non centrée sur le travail ?
MACAo, centre d'arts, de culture et de recherche, a vu le jour à Milan lors d'un soulèvement national qui a mené à l'occupation d'espaces publics dans une lutte pour une meilleure accessibilité de la culture. L'espace, auto-géré, a agrégé en son sein une vaste communauté d'artistes et de techniciens du monde de l'art dans une réflexion sur le rôle social de ce type de travail. Fin 2016 est née CommonCoin, sa monnaie locale intégrant un revenu de base pour les membres de la communauté. Le schéma économique de MACAo, privilégiant la collaboration à la compétition, diffère du schéma traditionnel : vous ne gagnerez pas plus en travaillant plus. en témoignant de l'expérience de mise en commun des richesses conduite par MACAo,
VALEUR/S expose l'argent, littéralement et conceptuellement. Au sein de MACAo, c'est la valeur sociale de l'activité qui est repensée, le montant de rémunération de chaque tâche étant discuté lors des assemblées dans un processus d'attribution non conventionnelle de valeur aux actions. ici, les mentions sur les liasses de billets réfèrent aux tâches effectuées par les membres de la communauté. Mais, même si l'argent occupe une place centrale dans cette pièce ainsi que dans nos vies divisées en milliers de tâches, pour Maddalena Fragnito et emanuele braga, la question est de savoir s'il est possible de donner d'autres significations au travail dans le cadre de pratiques collectives durables visant à " d éfaire le capitalisme ".
wEEK-EnD DE L'ARt COntEMPORAIn gRAnD ESt
vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 mars
à LA KunSthALLE Vendredi 13, samedi 14 et dimanche 15 mars R 14:00 - 18:00 ATELIER BRODER LA MACHINE entrée libre
Dans la continuité des ateliers publics menés en 2019, l'artiste
tanja boukal vous invite à broder dans la convivialité une série de canevas aux motifs de machines textiles imprimés à partir d'images d'archives. néophytes, amateurs ou brodeurs aguerris, vous êtes les bienvenus pour participer à cet atelier qui est à la fois un lieu de rencontre et de travail, ouvert à tous !
En partenariat avec les Archives Municipales de la Ville de Mulhouse et la société DMC. L'atelier sera déployé jusqu'à mi-avril à Mulhouse :
Au fil de la Mercerie, Musée electropolis, bar Le Greffier, Archives Municipales , Restaurant Universitaire de la Fonderie ...
Samedi 14 mars VISITE GUIDÉE DE L'EXPOSITION R 14:00
Entrée libre RENCONTRE DANS L'ESPACE D'EXPOSITION R 16:00
Avec RYbn.oRG et Aude Launay, curatrice Entrée libre
Dimanche 15 mars VISITE GUIDÉE DE L'EXPOSITION R 14:30
Entrée libre
REVUE M U S C L E R 16:00 présentation de la revue de poésie de
Laura Vazquez, auteure et éditrice Entrée libre
UN APRÈS-MIDI " CRYPTO " À LA KUNSTHALLE
Dimanche 19 avril CONFÉRENCE 14:00
Les contes de la crypto, initiation aux blockchains et à leurs usages artistiques par Aude Launay, curatrice de l'exposition entrée libre
entre le marché de l'art qui s'en empare pour marchandiser ce qui jusque-là lui échappait, un artiste qui permet à ses collectionneurs d'acheter des parts d'influence sur lui et un centre d'art sans juridiction d'origine, les blockchains se dévoilent comme un outil artistique aussi subversif que nécessaire. Mais de quoi s'agit-il au fond ?