Depuis que Starbucks a lancé, avec le succès que l'on sait, sa solution de paiement sur smartphone, des émules naissent presque chaque jour, qui verraient bientôt intégrer un porte-monnaie virtuel dans chaque application mobile du marché. Le dernier en date à tenter sa chance dans ce domaine est le spécialiste des micro-mobilités Bird.
Pourquoi s'embarquer dans une telle aventure ? Officiellement, il est question de proximité : l'utilisation des trottinettes dans la ville, à l'écart des encombrements et des problèmes de stationnement, stimule les interactions avec les commerçants et artisans de quartier. Cette tendance, déjà mesurable aujourd'hui, pourrait être facilement renforcée en encourageant la mise en relation… et en y ajoutant la prise en charge des transactions au sein d'un outil unique, équipé d'une connexion existante à un moyen de paiement.
Dans un premier temps, Bird Pay est expérimentée dans deux villes américaines (Santa Monica et le grand Los Angeles). Concrètement, les entreprises locales participantes sont simplement équipées d'un QR code fixe, qui permet à leurs clients de régler leurs achats depuis leur téléphone. Outre une promesse de commissions réduites sur les opérations, le principal avantage du dispositif est la visibilité offerte aux marchands dans l'application de gestion des déplacements, contextualisée par géolocalisation.
La focalisation manifeste de la valeur ajoutée en direction des professionnels s'exerce malheureusement au détriment de l'expérience du consommateur. En effet, pour ce dernier, l'acte de paiement n'est guère optimisé : déverrouillage du téléphone, lancement du logiciel, capture du code du vendeur, saisie du montant à régler (avec les risques d'erreurs que cela comporte) et, enfin, validation finale. En comparaison du recours à la carte ou à Apple Pay, il est difficile de déceler là un progrès quelconque…
En vérité, Bird Pay ressemble surtout à un brouillon mal ficelé destiné à explorer une opportunité réelle. En l'occurrence, derrière les discours d'engagement dans la communauté, la principale cible du loueur de trottinettes est d'identifier et déployer un modèle économique basé sur l'exploitation des informations qu'il capte auprès de ses utilisateurs. Dans un excès d'optimisme, il semble considérer que l'ajout des paiements à son capital de données de déplacements représente un plus significatif.
Or le raisonnement est doublement faussé. D'une part, rien ne laisse entrevoir que les commerçants soient particulièrement intéressés par un outil d'encaissement supplémentaire. D'autre part, la conception du système n'apporte aucun bénéfice tangible aux consommateurs. Dans ces conditions, le porte-monnaie virtuel, ne portant finalement aucune adhérence avec le vrai facteur d'attractivité mis en avant (la publicité dans l'application), est probablement condamné d'avance. Et s'il était envisagé comme le moteur de revenus de l'initiative, Bird devrait réfléchir à d'autres approches…