Au moins il n'y a pas de solution de continuité dans la vision que Philippe Testa a du monde. Dans ce roman, comme dans le précédent, il peint en noir l'avenir de l'humanité. L'obscur serait ce qui l'attendrait prochainement, aux sens propre et figuré.
Son narrateur, qui est en quelque sorte son porte-parole, entonne un des airs connus de notre temps, mais projeté des années plus tard, en guise de présage. Mais cet air n'est pas si nouveau que ça, si bien qu'à bien des égards il s'agit plutôt d'une scie.
Il parle ainsi de surexploitation des êtres et des milieux au profit des Winners et des Happy Few, d'injustice sociale, d'aliénation, d'inégalités Il incrimine propriété et responsabilité individuelle, et ne voit de salut que dans le collectif, le vrai, pas le fictif.
En tout cas, le monde dans lequel il vit emploie couramment des anglicismes, une sorte d'extension du domaine anglo-saxon: il est question de news-break, de days off, de socials, de co-workers, de comments ou de Global Screen, symbole de son uniformité...
Quand des black-out surviennent, jusqu'à l'ultime panne électrique, le narrateur en rend responsable l'homme et sa suffisance, l'homme et son adaptabilité, l'homme et son insatisfaction, avec pour résultats la laideur et un retour à la sauvagerie.
Une autre lecture du monde est cependant possible. Le narrateur n'est pas loin de la faire sienne quand il dit: Au fond, on veut surtout être guidé et qu'on nous dise quoi penser ou qu'il pointe les Leaders guidés au mieux par la cupidité et leur amour du pouvoir...
Quoi qu'il en soit, l'intérêt du roman est surtout de montrer les conséquences funestes qu'aurait la disparition de l'électricité pour les hommes, qui se feraient dévorer par les ténèbres (à moins bien sûr que les Lumières ne réapparaissent avec leurs solutions...).
À la fin, le narrateur fait une découverte: Les livres... je ne sais pas ce que je serais devenu sans eux. Il m'a fallu du temps pour m'habituer à la lecture sur papier, car comme tout le monde, je ne lisais jamais plus de trois ou quatre pages d'affilée, et jamais autrement que sur un écran.
Comme quoi, il ne faut jamais désespérer...
Francis Richard
L'obscur, Philippe Testa, 208 pages, Hélice Hélas
Livre précédent:
Le crépuscule des hommes, L'Âge d'Homme (2014)