Le Triangle et l'Hexagone, de Maboula Soumahoro

Maboula Soumahoro fait d’elle-même son sujet d’étude. De son enfance et sa jeunesse dans le Val-de-Marne, elle passe non sans embûche dans une université parisienne et saisit l’opportunité qui se présente d’aller étudier une année aux États-Unis. Si elle associait ses difficultés, avant cela, au seul fait d’habiter en banlieue parisienne, elle découvre, dans le système universitaire américain, qu’on peut étudier le fait d’être noire. Elle dit d’ailleurs que c’est aux USA qu’elle s’est découverte noire. Mais c’est aussi aux États-Unis qu’elle a été reconnue comme française. Ses parents sont nés en Côte d’Ivoire, elle est née en France, elle a étudié aux États-Unis. Sa propre histoire l’inscrit dans ce triangle qu’un sociologue, Paul Gilroy, nomme l’Atlantique noir. Son livre interroge aussi sur cette appellation « Hexagone » pour dire la France : c’est négliger ce qu’on désigne aujourd’hui sous cet autre nom, les Outre-Mer. Tout se passe encore comme si les Noirs étaient extérieurs à cette France : il s’agit de ne pas déranger la classe dominante. Maboula Soumahoro cite très justement les rappeurs, rappelle les injustices et les violences subies par les Noirs en France. « Bien qu’elle soit une fiction, une fois inscrite dans les corps, la race détermine les rapports sociaux, politiques et économiques. En conséquence, le racisme existe . » Elle reprend en française cette phrase écrite quelques années plus tôt par Langston Hughes : « Je suis la France. Aussi. »

Ce livre, qui montre qu’au commencement était le chaos, offre des pistes de réflexions et d’actions, à commencer par cette décision : « Je me définis comme noire (…). Par mon entrée consciente dans une communauté transnationale délimitée par les arts et les lettres, la spiritualité et fermement ancrée dans les traditions intellectuelles que j’ai évoquées tout au long de cet ouvrage, je pose un acte de solidarité politique. »