J’ai adoré assister ce mois-ci à la lecture publique de Carole Fives d’Une femme au téléphone dans ma ville… Beaucoup d’humour, de dérision, de tristesse retenue dans sa lecture, qui m’a incitée à repartir avec deux livres, dont celui présenté aujourd’hui. Dans ce court roman, Léonore, la quarantaine, professeur de dessin, décide de partir vers le Portugal à la recherche de son premier amour. Rien que de très banal, diriez-vous ! Sauf que celui-ci est décédé depuis de nombreuses années. Léonore part en réalité à la recherche de sa tombe, après avoir enquêté en France en vain, avec la certitude à présent que son corps a été transféré dans son pays natal. Pourquoi cette quête si tardive ? Que va donc trouver Léonore là-bas ? José est mort à l’âge de dix-neuf ans. Il a repris sa voiture après avoir quitté Léonore, quinze ans, venue le retrouver sur son lieu de travail d’été. Depuis, le souvenir de l’accident, de sa culpabilité certaine, hante la jeune femme. Tout cela s’est passé en France, mais visiblement Léonore ne pourra pas faire l’économie du Portugal, ce pays dont José est parti contre son gré à l’âge de douze ans pour rejoindre ses parents. Carole Fives en profite d’ailleurs pour nous raconter de l’intérieur l’histoire des immigrations portugaises des années 70, l’installation en France, pas aussi glorieuse que souhaitée, et cette comédie des étés passés au pays, à laisser croire que fortune a été faite. Elle est très belle, et originale, cette histoire d’amour entre une femme de quarante ans et le fantôme d’un jeune homme encore très vivant dans sa mémoire. J’ai trouvé la quête de Léonore très poétique et émouvante. Malgré les démarches administratives et l’incompréhension de son entourage, elle sait qu’elle doit terminer leur histoire, se confronter à la réalité de la mort de José, voir sa tombe, pour enfin avancer. Lui avoir interdit de voir José accidenté avait laissé jusqu’à présent tout en suspend. En finit-on un jour avec son premier amour ? C’est ce à quoi Carole Fives tente de répondre dans ce roman où le Portugal use aussi de son charme avec une délicatesse envoûtante.
« Rien n’a changé, j’ai seulement vieilli, mais je reste cette adolescente qui apprend l’amour et la mort au même moment. L’amour et la mort si intimement liés, je les nomme l’amort.
L’amort c’est l’amour mais aussi la mort de tout nouvel amour possible.
L’amort c’est la condamnation même du projet amoureux. C’est le début, la fin, c’est l’absence, c’est vingt-cinq ans de mémoire figée. »
Editions Folio – décembre 2016
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…