Histoires de Fantômes du Japon, un livre illustré entre le merveilleux et l'intrigant
Titre : Histoires de Fantômes du Japon
Auteur : Lafcadio Hearn (scénario), Benjamin Lacombe (dessin)
Éditeur : Soleil
Collection : Métamorphose
Année : 2019
Page : 192
Résumé d'un recueil de nouvelles fantastiques:
Un homme s'arrête dans une auberge et se remémore une histoire ancienne... Un enfant se fait rejeté de partout car il n'arrive pas à s'empêcher de dessiner des chats... Un homme raconte son cauchemar au mangeur de rêve pour qu'il l'en délivre... Un jeune assistant dans un magasin est harcelé par un fantôme... Un moine et un autre homme escaladent une montagne de crânes... et d'autres histoires encore...
Scénarios d'un univers fantastique particulier :
Ce recueil regroupe dix nouvelles compilées par Lafcadio Hearn, un Irlandais qui, après être passé par la France et les Antilles, vécut au Japon à la fin du dix-neuvième siècle dans les débuts de l'époque Meiji. C'était le temps où le Japon s'ouvrait à l'occident et au monde soi-disant moderne. Un pays se retrouvait prêt à sacrifier ses traditions millénaires et là, un occidental parcourait cet empire pour retrouver et regrouper des histoires fantastiques issues du folklore traditionnel local.
Deux mouvements qui allaient à l'inverse l'un de l'autre.
Ces nouvelles contiennent des légendes anciennes, des mythes, des histoires de fantômes... Il s'agit plus d'histoire surnaturelles. En effet, point d'horreur ni de gore, plutôt du fantastique et du merveilleux. Mais peut-on parler de fantastique dans un pays où le surnaturel appartient autant à la culture et au quotidien ? Les Yokaï, ces créatures surnaturelles, enfin, plutôt naturelles mais d'une nature qui nous échappe encore, font partie de la vie de tous les jours des Japonais. Ils marchent dans vos pas et même, des objets centenaires peuvent devenir des Yokaï, développer une pensée et une volonté propre, donc une âme ?
Les vivants côtoient les morts, même les autorités acceptent la présence de ces créatures de l'au-delà parmi les hommes. Ces nouvelles, tout en douceur, posent des situations simples, où l'humain vit tout simplement à la frontière du monde surnaturel. Une frontière que l'on passe aisément, au détour d'une forêt, en s'arrêtant dans une auberge, en dormant dans un vieux temple, en travaillant dans un magasin de porcelaine.
En fait, les deux mondes ne sont pas séparés, ils sont liés, mêlés voire même enchevêtrés. Et ni les créarures ni les hommes ne s'étonnent de vivre les uns sur les autres, les uns avec les autres. En lisant la préface de Francis Lacassin, vous comprendrez bien mieux cela.
La peur ne fait pas partie des sentiments dominants ces histoires, bien au contraire. Il ne s'agit pas de fantômes assoiffés de vengeance (bien qu'il en existe) mais de créatures à la recherche de la paix, de l'amour, tout comme les humains.
En-dehors de ces légendes, les artistes Japonais de l'époque ont aussi utilisé les Yokaï et autres fantômes pour créer des jeux dont des exemples nous sont donnés à la fin de ce livre. Il est presque dommage que ces doubles pages présentant des plateaux de jeu n'aient pas été des pages dépliantes pour qu'on puisse les voir sans la coupure de la reliure. Cela gêne pour jouer, mais n'empêche nullement de profiter des dessins.
Le dessin à la croisée de deux traditions :
Benjamin Lacombe a illustré ce recueil car il s'agit bien d'un livre illustré plus que d'une BD. Mais quel livre ! Les nouvelles, écrites en grandes polices, facilement lisibles, encadrées de dessins colorés ou d'esquisses crayonnées, sont ravissantes. Tout le style de Benjamin Lacombe a éclos dans cet espace où il a situé ses illustrations. Quelque part à la croisée du Japon, de l'imagerie traditionnelle que nous en avons et de son style occidental. Benjamin Lacombe nous offre un magnifique voyage graphique au côté des nouvelles envoutantes de Lafcadio Hearn. Ces dessins, comme le montre celui de la couverture, sont tout simplement beaux tout en conservant cette part de mystère, d'intrigue, de merveilleux qui se dégage de ces histoires.
Chaque nouvelle démarre par une salve de motifs pleine page mélangeant des signes et des personnages répétés sur la page. Les couleurs varient mais restent, dans ce cadre, douces. Puis les nouvelles sont coupées par des dessins pleine page ou sur des double pages, magnifiquement tracés et mises en couleur. Les lettres de chaque début de récit sont lovés dans des motifs enluminés. Et les dessins colorés ponctuant certaines partie du récit en bas de page sont eux aussi totalement dans l'esprit du récit. Incroyable pirouette que de garder son style - car on reconnaît immédiatement le trait de Benjamin Lacombe -, et de se fondre dans cet univers si particulier.
Conclusion de récits mystérieux:
Une belle histoire, pardon, de belles histoires formant une immersion dans un univers envoutant et féérique, bordées d'illustrations habilement réussies. Voilà les deux ingrédients qui donnent un livre superbe. Ah, si, troisième élément indispensable à la totale réussite de ce projet, un objet livre de toute beauté. Reliure travaillée, papier de qualité et d'autres surprises.
Si vous avez envie de découvrir le merveilleux du folklore Japonais, si vous le connaissez déjà, procurez-vous ce livre, il est indispensable.
Zéda rencontre un Yokaï.