Autant le dire tout de suite : si vous n'avez jamais fait de storytelling, ne commencez pas par appliquer ces astuces-conseils. Vous aurez d'autres étapes à franchir avant d'en arriver là. Ce blog vous dit d'ailleurs comment débuter dans le storytelling, et j'ai aussi un kit d'outils de démarrage à disposition (genre boîte à outils) prévu spécialement pour ça.
Et pour lire des articles-guides pour se lancer dans le storytelling, vous pouvez par exemple voir ici :
- 5 moyens de rendre votre storytelling performant
- les moyens de pimenter votre communication personnelle (avec le storytelling, la narration, évidemment)
Commencez en tout cas déjà par maîtriser les éléments-composants de base d'une histoire avant de tout casser !
Une histoire, c'est un personnage, qui a un problème, qui agit pour la résoudre, avec un résultat au bout. C'est aussi simple et aussi complexe que ça. S'il manque un de ces éléments dans ce schéma, ce n'est pas une histoire. On peut aussi résumer cette structure de cette manière, encore plus simple : situation - action - résultat.
Alors, je le dis tout de suite : dans le reste de cet article, je vais écrire des choses un peu contradictoires avec ce que je viens d'indiquer. Mais c'est normal ! Avant de déconstruire le modèle, il faut construire le construire. C'est un peu comme un peintre contemporain : avant de s'autoriser à peindre de grands aplats unis ou des formes qui semblent naïves, il aura appris à peindre de magnifiques scènes et personnages ultra-réalistes, et est toujours capable de le faire. Mais... il en est aujourd'hui à un autre stade de sa pratique artistique. Voilà, donc dans le storytelling c'est la même chose.
Déconstruire le storytelling classique pour faire de la narration avancée :
Voici donc quelques techniques de storytelling pour une pratique par des storytellers déjà un peu expérimentés, comme expliqué ci-dessus.
- Adopter une stratégie de nuée ardente :
Savez-vous ce qu'est une nuée ardente ? Cela se passe lors d'une éruption volcanique : c'est un nuage de particules d'une puissance phénoménale. Pas besoin d'en dire forcément plus sur la nuée ardente réelle, Google est votre ami. Je vais me pencher bien plus sur le sens métaphorique dans lequel j'utilise bien évidemment ce terme.
Je me réfère aux travaux de David Boje, un grand nom du storytelling depuis fort longtemps, et j'ajoute ma propre réflexion et ma stratégie sur cette base. David Boje n'a jamais fait de référence à la nuée ardente et peut-être que j'exagère un peu, mais c'est l'élément de comparaison qui m'est venu tout de suite à l'esprit.
David Boje explique bien mieux que moi ses idées :
Et donc, voici mes idées à moi, pour disrupter le storytelling classique avec une nuée ardente :
Je rebondis sur le concept d'antenarrative développé par Boje dans la vidéo. Il s'agit donc de lancer non pas une histoire très bien ficelée dans la nature mais une myriade de particules d'histoires. C'est à dire des éléments d'histoires incomplètes, des amorces d'histoires, suffisamment structurées pour avoir du sens, être interprétables. Sinon, on en reste à quelque chose qui se rapproche d'une démarche artistique et ce n'est pas le but. Ces bouts d'histoires peuvent se rapporter au personnage, à l'intrigue, à la situation initiale, à la résolution... d'histoires. Oui, parce qu'avec cette technique, c'est tout azimut !
Et ensuite ? Et bien après ce lancement façon feux d'artifices, il faut observer quels sont les fragments narratifs qui semblent s'accrocher, toucher des publics ciblés, avoir du potentiel pour devenir une histoire complète, et capitaliser sur ceux-là. Et donc construire une vraie histoire à partir de ce qui peut ressembler à un teaser. C'est aussi un peu du pré-testing. Du fait de la trame initiale, l'histoire élaborée n'aura pas la même allure qu'une histoire classique, avec la même différence qu'entre un roman classique et ce qu'on a appelé le "nouveau roman", pour utiliser une comparaison avec la littérature.
Pour résumer : on lance une poignée de grains de sable, et ensuite on repère le grain le plus beau. On comprend bien qu'il faut avoir un peu de bouteille de storyteller pour aller dans cette voie.
Il est très tentant de choisir de raconter son histoire star, celle avec laquelle on se sent le plus à l'aise, celle qui nous valorise le plus. C'est aussi un peu une histoire cocorico : elle montre combien nous sommes formidables.
Problème : ce ne sont pas les histoires les plus intéressantes, celles qu'un public a le plus envie d'entendre, de lire ou que sais-je.
Il est bien plus difficile, mais aussi bien plus intéressant pour le public (c'est lui le héros au final !) de se voir présenter une histoire que l'on préfèrerait ne pas raconter. Et introduire l'histoire de cette manière est d'ailleurs le meilleur moyen d'attiser une grande curiosité de la part du public. Notre curiosité (maladive ?) nous amène à vouloir traquer ce qui n'a pas l'air normal. Combien de fois avez-vous déjà suivi du regard par la fenêtre un voisin qui avait l'air de se comporter de manière inhabituelle ? Moi : plein de fois !
Bref, c'est l'histoire que vous n'avez pas envie de raconter qui va faire votre succès. Tout l'auditoire va bien sentir que vous n'avez envie de dire ce que vous êtes en train de dire. Et tous vont se sentir proches de vous, parce que tout le monde a des monstres dans ses placards ! Bien peu, par contre, osent les en sortir, et vous serez respecté(e) pour cela.
Comment donc ? Spoiler l'histoire ! Mais vous êtes fou, mon pauvre garçon.
Et pourtant, on se souvient de l'inspecteur Colombo, cette série policière dans laquelle on connaissait le coupable du crime dès le début de l'épisode. Et ça marchait du tonnerre !
Dans cette série, on remontait le fil des événements pour connaître le début de l'histoire et mon idée n'est pas de faire exactement la même chose. En fait, j'aurais plutôt tendance à dire que la fin de l'histoire est indispensable, mais pas forcément le début. On s'en fiche un peu de ce qui a généré ceci ou cela etc. Bien sûr, il faut quelques éléments de contexte pour comprendre tout ce qui se déroule dans le récit, mais on n'a pas réellement besoin d'avoir tous les détails du début. Et parfois même, on n'a besoin que de très peu d'informations. Le message est suffisamment clair, plus d'éléments n'apporteraient rien d'autre qu'un brouillage.
Là encore, il faut avoir un peu d'expérience dans le storytelling. Sinon, on risque fort de raconter une histoire hors sol, un OVNI non identifié et non identifiable, un récit sans queue ni tête qui fera pschitt !
Et en tous lieux... Imaginons que vous ayez une vraie bonne histoire à raconter. du coup, forcément, vous allez essayer de la placer à chaque fois (pertinente !) que vous le pourrez. C'est légitime et je n'ai rien à redire à ça. Faites-le, mais par contre : adaptez votre histoire. Faites en sorte d'avoir, toujours, une partie interchangeable avec d'autres éléments pertinents par rapport au public. C'est un peu comme le robot ménager qui a des équipements interchangeables pour s'adapter aux besoins du cuisinier ou de la cuisinière. Pour corser le tout, vous devrez prévoir plusieurs possibilités de changements : pas un seul endroit de l'histoire, mais plusieurs endroits. Mais vous n'en changerez qu'un : l'objectif est quand même de capitaliser sur une histoire que vous avez pris du temps à confectionner avec soin.
Pour illustrer un peu : je me rappelle toujours de ce guitariste de flamenco qui racontait qu'au début de sa carrière de concertiste -il avait alors 12 ans-, il avait l'habitude de dire une phrase en espagnol que tous les guitaristes de flamenco disaient. Précision : le jeune garçon ne parlait pas espagnol. Après avoir remarqué que le public riait aux éclats à chaque fois qu'il la prononçait, il avait demandé qu'on la lui traduise : cette phrase disait "et je dédie ce concert à ma femme et mes enfants !". Il avait alors opté pour une autre phrase... Cette exemple illustre bien, je crois, la nécessité d'adapter certains éléments pour être en phase avec le public (avec un public francophone, aucun souci avec cette phrase).
Alors, on pourrait encore détailler d'autres manières de faire du storytelling avancé, et j'y reviendrai sans doute. Mais commençons déjà comme ceci, ce sera déjà un beau défi. Même un storyteller bien expérimenté peut se sentir challengé par ces procédés qu'il ou elle peut voir comme des contraintes plus que comme un jeu d'adresse !
Et pour aller encore plus loin dans une pratique du storytelling avancé, il est aussi possible de recourir à un storyteller professionnel. Chez Storytelling France, par exemple, pour vous servir !