singulière rencontre. ( François Cheng )

Par Jmlire

François Cheng

Viens te lover dans ma main, galet,

Tiens un instant compagnie

À l'anonyme passant. Toi, le pain cuit

Au feu originel, nourris ce passant

De ta force tenace, de ta tendresse

Lisse, au bord de cet océan

Sans bornes, où tout vivant se découvre vétille..

Ô tant que se tient coite la mort, accorde

Au mendiant sans voix tes faveurs,

Fais moi don de tes inépuisables

Trésors : fêtes de l'aube, festins

Du soir, farandole sans fin des astres,

Tant et tant de tes glorieux compagnons

Réunis ici en toi, un instant lovés

Dans le creux charnel de ma paume !

Toi qui survis à tout, garderas-tu

Mémoire de cette singulière rencontre ?

François Cheng : poème figurant dans le livre Entretiens avec Françoise Siri, Albin-Michel, 2015