Jean Giono raconte qu'il a fait la première guerre mondiale, de bout en bout, comme seconde classe. Son unité se vidait, complètement, et était renouvelée. Avec son capitaine, il a été le seul survivant. Et il ne fut même pas blessé.
Il était donc possible d'échapper à la boucherie, même lorsque l'on était en première ligne. Par contraste cela montre l'état d'esprit des autres appelés : ils ne ménageaient pas leur vie.
Le plus curieux est qu'il a écrit pour justifier sa conduite, et dire que, finalement, il était le seul à avoir raison. Certes il n'avait pas refusé la guerre, puisqu'il avait servi. Mais il avait été un pacifiste de l'intérieur, qui n'avait tué personne. (Il n'est pas, non plus, allé jusqu'à manifester son mécontentement, en 1917.)
Pourquoi Jean Giono a-t-il voulu donner de lui-même l'image d'un héros (du pacifisme) ? Même l'armée ne lui a rien demandé. Qu'il ait eu peur était compréhensible. Et être un héros c'est, encore, être belliqueux.
Ce qui aurait été réellement intéressant aurait été qu'il se demande pourquoi ses camarades n'avaient pas flanché. Pourquoi, comme Achille, on peut trouver du bonheur dans une vie brève. Peut-être que cela nous aurait éclairé sur le sens de la vie, et sur l'attitude à adopter vis-à-vis de la mort ?
(Réflexions suscitées par une émission de France Culture.)