Il était arrivé avec pour tout bagage
Les souvenirs de pays ultramarins.
Il ramenait un peu de sable blond,
Quelques coquillages nacrés
Et une perle océane achetée sur un marché de Bombay.
Dans ses yeux, il y avait tout le soleil des îles sous le vent,
Les nuages de pluie des moussons
Et les cieux rouges des tropiques ensanglantés.
Il avait dû faire un terrible voyage.
Après avoir mené bien des combats
Et avoir fui beaucoup de guerres,
Il était revenu,
Conservant pour tout trésor le parfum d’une femme
A la chevelure de nuit.
Elle n’était plus que l’ombre d’un fantôme
Mais il ne pouvait oublier l’odeur de sa peau nue
Quand l’amour les rassemblait
Dans sa case de bambous.
C’était sa sœur aux yeux d’Asie
Assassinée par un soldat inculte
Alors qu’elle était le centre du monde.
Il avait dispersé ses cendres aux quatre coins de l’univers
Puis était sorti de la ronde pour revenir chez lui,
Oubliant ses rêves de grandeur
Et ne se souvenant que de la mort de cette fille
Dont il avait fermé les yeux
Tandis qu’une grande tache rouge
Rougissait la chemise sous son sein gauche.
Fuyant les alizés, reniant tous les dieux,
Il avait marché vers le nord, traversé des steppes infinies,
Franchi des déserts de pierres et des fleuves impétueux
Pour tenter d’oublier la tendresse de son regard,
L’accueil de ses hanches, et la souplesse de son ventre.
Mais il eut beau marcher, toujours il voyait l’éternelle blessure,
La tragique coupure, dissimulée dans la toison bouclée des rêves.
Il est donc arrivé un beau matin,
Ayant perdu toute illusion.
Il s’est assis sur le petit pont de pierres
Et a juste prononcé ces mots : « Me voici revenu ».
Puis il a contemplé l’eau fuyante de la rivière
Qui emportait son dernier rêve.