Les résultats d'une étude britannique commanditée par le cabinet d'avocats spécialisés Michelmores auprès de 500 « millenials » aisés, portant sur leurs comportements financiers, incite à en douter. Car, s'ils y confirment sans ambiguïté leur désir d'aligner leurs investissements sur leurs convictions et leurs valeurs (près de 8 sur 10), ainsi que leur sensibilité à l'impact sur le monde des usages de leur argent (73%), pourquoi ne sont-ils donc que 16% à avoir investi dans des fonds à orientation sociale ou durable ?
Il est certes possible que la méconnaissance ou même la rareté de cette catégorie de produits soit en cause. Ce pourrait même être une justification au début de réponse que fournit la suite de l'enquête, quand elle révèle que la majorité de l'échantillon estime que leur rendement est inférieur à celui des instruments traditionnels et que, pour presque la moitié (48%, exactement), les profits sont prioritaires. La réalité crue est hélas tristement explicite : les grandes intentions ne résistent pas à l'appât du gain.
Les experts, dont ceux de Michelmores, arguent que la perception d'une moindre performance des fonds à impact est fausse, et de nombreuses recherches le confirment. En conséquence, selon eux, il suffirait d'améliorer la communication, en luttant contre les croyances erronées, pour vaincre les réticences des investisseurs. Pourtant, le biais de défiance exposé ici souligne un obstacle majeur, beaucoup plus profond, à toutes les stratégies de transition écologique : l'immobilisme, le plus puissant antidote à l'action.
Reconnaissons immédiatement qu'il serait très mal venu de rapprocher aux représentants des jeunes générations leur ambivalence, qui reste probablement moins grave que la lointaine indifférence de leurs aînés. En effet, changer des comportements encouragés et développés depuis la naissance – le désir de maximiser ses revenus comme la préférence pour les déplacements en voiture ou l'envie de posséder le dernier téléphone à la mode – est une tâche de très longue haleine, qui demande des efforts constants.
Alors, quelle solution ? En considérant que le plus sûr moyen d'induire une rupture dans les pratiques usuelles est de proposer une alternative apportant un bénéfice significatif, il reviendrait aux institutions financières de faire en sorte que leurs produits « responsables » deviennent sensiblement plus attractifs que les autres. Peut-être faudra-t-il envisager de mettre en place des conditions tarifaires plus avantageuses ? Ou bien devra-t-on faire disparaître toutes les autres options des catalogues ?
Bien sûr, ces hypothèses reportent, en grande partie, la charge de la transition sur des organisations qui possèdent elles-mêmes une culture interne difficile à faire évoluer et tout autant contradictoire avec leurs grands discours de façade. Mais toutes les parties prenantes devront convertir leurs paroles en actes pour espérer progresser : les entreprises ne pourront se borner à laisser leurs clients seuls devant leurs choix et ces derniers ne pourront se contenter de critiquer les multinationales et les gouvernements.