Et dans la nuit nous éclairons nos pas, à la lumière blanche d’un téléphone, nous remontons la pente comme ça.
Ce soir à Fernando de Noronha, nous avons regardé le soleil tomber dans l’océan pour la quatrième fois.
Chaque fois c’est pareil, une fille regarde la lumière orange, elle positionne sa main pour faire semblant de tenir un point minuscule entre ses doigts, chaque fois il y a un couple en haut des rochers à cet endroit, chaque fois sur nos lèvres il y a la cachaça, la menthe, le citron vert, chaque fois le cœur se serre.
Tout le monde voit la même chose en même temps. Tout le monde ressent, pareil et différent.
La suite c’est comme après les feux d’artifice, les gens repartent à l’envers vers la ville et les lumières, les restaurants ventilateurs, Bota Fogo, téléviseurs. Vers des chambres d’hôtels inconnues, des carrelages ensablés sous les pieds nus, des chargeurs d’Iphone inconstants, des best-sellers laissés par des couples allemands.
Et nous éclairons nos pas, à la lumière blanche d’un téléphone, nous remontons la pente comme ça.
Nous sommes tous les quatre, dans la nuit noire, sur le chemin de terre, nos pieds dans la poussière qui dérapent.
Toi tu es l’aîné.
Tu marches devant avec moi.
En septembre tout changera pour toi.
Pour la première fois, tu partiras seul dans les rues de Paris.
Ce soir dans la pente tu me parles.
Tu ne parles pas si souvent.
En sortant des théâtres, des cirques, des salles de cinéma, parfois je pensais ça.
Tu gardais les choses pour toi.
À la fin des anniversaires, en recherchant tes affaires, en me penchant pour lacer tes chaussures à terre.
Je me retrouvais avec toi dans la rue, avec toi et tes cheveux trempés du chahut, transpirant d’avoir tellement couru. Et tu disais oui c’était bien. C’était bien.
Tu ne posais pas de questions. Les avions, les serpents, l’amour, les étoiles filantes.
Mais ce soir tu me parles dans la pente.
Et je garde ça pour moi. Mélangé au citron vert, à la menthe, à la cachaça.
Et je me demande si dans ma vie une seule fois je me sentirai plus proche de toi.
Que maintenant, à cet instant.
Dans la nuit nous éclairons nos pas à la lumière blanche d’un téléphone, nous remontons la pente comme ça.
Vincent Delerm
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