Fleuve de notre substance
S’écoulant
Avec le reste. Fleuve de la substance
De la courbe terrestre, fleuve de la substance
Du lever du soleil, fleuve de limon, d’érosion, s’écoulant
Vers une inimaginable mer. Mais l’esprit se lève
Dans le bonheur, se lève
Au milieu de ce qui est. Je ne connais pas d’autre bonheur
Ni n’en ai été le témoin…Les îles
Vers le nord
Dans le brouillard polaire
Et la mer peu profonde –
Rien d’autre
Sinon la sensation
De l’endroit où nous sommes
Nous qui sommes le plus au nord. La merveille de la vague
Même ici c’est l’écho de son bouillonnement
Dans le monde ; je songeais que même s’il n’y avait rien
La possibilité d’être existerait ;
Je songeais que j’avais rencontré
La permanence ; la pensée nous assaillait dans cette mer
Car nous y respirons l’évident
Miracle
Du lieu, et parlons
Si nous devons sauver
L’amour au Monde d’En Haut
Éclairé par la glace un langage substantiel
De clarté, et de respect.
*
A Narrative, 11
River of our substance
Flowing
With the rest. River of the substance
Of the earth’s curve, river of the substance
Of the sunrise, river of silt, of erosion, flowing
To no imaginable sea. But the mind rises
Into happiness, rising
Into what is there. I know of no other happiness
Nor have I ever witnessed it…Islands
To the north
In polar mist
In the rather shallow sea—
Nothing more
But the sense
Of where we are
Who are most northerly. The marvel of the wave
Even here is its noise seething
In the world; I thought that even if there were nothing
The possibility of being would exist;
I thought I had encountered
Permanence; thought leaped on us in that sea
For in that sea we breathe the open
Miracle
Of place, and speak
If we would rescue
Love to the ice-lit
Upper world a substantial language
Of clarity, and of respect.
***
George Oppen (1908-1984) – New Collected Poems (New Directions, 2001) – Poèmes retrouvés (José Corti, 2019) – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Yves Di Manno.