Depuis la mise en place d'une taxe carbone interne par Société Générale il y a presque 10 ans et en dépit des grands discours des institutions financières sur leurs actions en faveur de l'environnement, je n'avais jamais identifié d'autre initiative aussi concrète, pertinente et efficace. Jusqu'à ce que BBVA se réveille, au début de cette année.
La comparaison entre les deux banques n'est pas fortuite, car l'espagnole reprend le principe imaginé par la française… et en relève le niveau d'ambition d'un cran. Le point de départ consiste ainsi à évaluer les émissions de gaz à effet de serre de l'ensemble des activités et à leur assigner un coût financier (normalement sur la base d'un prix de référence de la tonne). Mais, au lieu d'en faire une taxe prélevée sur les résultats des lignes métier, BBVA veut en faire un élément intrinsèque de ses processus.
En pratique, le coût correspondant à l'impact environnemental du fonctionnement de l'entreprise sera donc intégré, au même titre que les autres facteurs financiers, dans la stratégie, dans la planification, dans les négociations budgétaires et en amont des prises de décision. Si le raisonnement est prolongé à son terme, il sera décliné à toutes les échelles de l'organisation, depuis les départements majeurs jusqu'aux projets individuels et aux équipes opérationnelles, en passant par leurs hiérarchies intermédiaires.
L'atout essentiel d'une telle approche est qu'elle incite directement à rechercher les opportunités de réduction des émissions de gaz à effet de serre en amont, plutôt que de focaliser les efforts sur la compensation, comme tend à l'induire une logique punitive à base d'impôt. Par exemple, chaque enveloppe budgétaire peut faire l'objet d'un arbitrage entre les sommes allouées à la production de valeur et les dépenses engendrées par son empreinte carbone : la réduction de ces dernières accroît les premières.
Une autre dimension extraordinairement vertueuse du dispositif est sa capacité à toucher, et, donc, impliquer tous les collaborateurs, dans la mesure où la contribution de chacun intervient dans le bilan environnemental de sa structure et de son activité personnelle, et affecte leurs performances. Cet aspect est particulièrement sensible dans une institution financière, où la majorité des émissions de CO2 est liée aux déplacements professionnels et à la consommation d'énergie, notamment par l'informatique, deux domaines dans lesquels l'engagement des salariés peut créer une différence.
La menace du changement climatique est désormais une certitude mais, malgré l'urgence, rares sont encore les entreprises prêtes à s'imposer des contraintes pour apporter leur pierre à la nécessaire transformation des habitudes (beaucoup préfèrent en reporter la charge sur leurs clients, quand on y regarde de près). Il faut donc saluer la démarche de BBVA, car elle ne se mène pas sans douleur : pensez au surcroît de complexité provoqué par l'introduction du coût des émissions dans ses processus…