Ma vie a été celle d'un handicapé de l'âme et du corps. Pendant toutes ces années, mon tortionnaire a vécu en propageant la parole du Christ et en récoltant les fruits d'une admiration qu'il ne méritait pas de la part de fidèles ignorants.
En juillet 2006, revenu en Suisse pour l'enterrement de son père quelque temps auparavant, Christophe Bédat demande conseil à Maître François Ledain, avocat à Sion, du même âge que lui et originaire comme lui du village de Saint-Fortunat en Valais où ils se seraient connus, bien que François ne se souvienne pas de Christophe...
Christophe vient voir François parce qu'il risque d'être accusé d'un meurtre qu'il n'a pas commis sur la personne d'un prêtre, Fabrice Merloz, un peu plus âgé qu'eux deux . Or celui-ci, un demi-siècle plus tôt, en avril 1957, l'a violé, le jour du Vendredi Saint, au bord de la rivière de la Borgne, alors qu'il était âgé de treize ans:
Chaque jour, l'offense qui m'a été faite, je l'ai portée en moi. Je l'ai ressentie dans le regard de chaque femme que j'ai rencontrée.
Alors Christophe décide, en le faisant souffrir moralement, de se venger de Fabrice, qui a gâché sa vie et qui est revenu après avoir été prêtre en Argentine. Là-bas il s'est comporté en prédateur avec des garçons mineurs, incapable de contenir ses pulsions, en dépit de la soutane qu'il a revêtue pour sortir de sa condition de paysan.
Fabrice Merloz est mort dans la cure de Saint-Fortunat. L'enquête conclut d'abord à un suicide, mais risque d'être ré-ouverte à la faveur d'un fait nouveau. Avant de mourir, Fabrice Merloz a rédigé une lettre adressée à un jeune garçon dans laquelle, s'il meurt, il désigne Christophe en termes à peine voilés comme son meurtrier.
Ayant reçu une copie de cette lettre, Christophe fait l'objet d'un chantage pour qu'elle ne soit pas divulguée. François lui conseille de ne pas y céder et de faire confiance à la justice. Il veut bien accepter d'être son avocat à condition toutefois qu'il ne lui cèle rien. S'il apprend qu'il lui a menti, il résiliera son mandat sans autre préavis.
Hormis la lettre, sur l'arme qui a tué Fabrice, les empreintes digitales de Christophe sont retrouvées. Il est le coupable désigné et il sera difficile à Maître Ledain, aidé de ses associées, Carine et Amandine, de prouver son innocence, d'autant que face à lui le procureur et l'avocat de la partie civile ne sont pas prêts à lui faciliter la tâche.
Quoi qu'il en soit, l'instruction, puis les débats réservent bien des surprises aux protagonistes et montrent que la justice humaine l'est bien en ce sens que même les faits en apparence bien établis peuvent être le résultat de manipulations de la part des uns ou des autres. L'épilogue de l'histoire, qui en est l'acmé, ne dément pas le propos.
Francis Richard
Les rivières du péché, Yves Balet, 336 pages, Slatkine