Hier, 4 février, anniversaire de la première abolition de l’esclavage, en 1794 (avant que Napoléon le rétablisse aux Antilles), c’était aussi la première manifestation publique de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Cette Fondation n’était en effet qu’en préfiguration quand elle a organisé un colloque au Musée d’Orsay à l’occasion de l’exposition Le modèle noir. Dans cette exposition, nous avions pu voir (ou revoir) un portrait peint en 1800 par Marie-Guillemine Benoist et venant des collections du Louvre. C’est le Portrait de Madeleine. Et c’est elle qui est à l’honneur ce 4 février 2020, et à l’effigie de qui la Poste crée un timbre, tiré à 600 000 exemplaires.
Léonora Miano a écrit pour l’occasion un texte qui lui donne la parole et Madeleine nous interpelle par la voix de Dany Bomou, accompagnée par le Ka guadeloupéen de Difé Kako.
Anne Lafont, historienne d’art, nous présente Madeleine et replace le tableau dans son contexte. C’est une femme peinte par une femme et l’allusion faite au récent film de Céline Sciamma est à ce titre tout à fait justifiée. C’est aussi un portrait qu’on peut comparer à d’autres de la même époque, portraits de femmes, un sein dénudé ou non, les bras légèrement croisés, portraits qu’on peut aussi comparer à la Joconde, Mona Lisa. Et un autre portrait de la même époque est signalé, peint par Anne-Louis Girodet, celui de Jean-Baptiste Belley, député de Saint-Domingue, premier député noir siégeant à la Convention nationale dans la France de la Révolution. Celui-ci siège à la Convention quand elle vote l’abolition de l’esclavage.
Présentant l’initiative de la Poste de créer ce 4 février un timbre à l’effigie de Madeleine, Philippe Wahl, président-directeur général du Groupe La Poste, la qualifie de Marianne, figure représentative de la République française.
Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre, rappelle l’importance du Louvre dans l’Histoire de France, et notamment en soulignant que c’est le lieu où Louis X le Hutin a décrété : « Comme, selon le droit de nature, chacun doit naître franc, et comme la servitude moult nous déplaît, considérant que notre royaume est dit et renommé le royaume des Francs, et voulant que la chose, en vérité, soit d'accord avec le nom, avons ordonné et ordonnons à tous lieux, villes et communautés et personnes singulièrement et généralement, que par tout notre royaume les serviteurs seront amenés à franchise. » « Franc » signifie « libre ».
Jean-Marc Ayrault, président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, ajoute à ce qu’ont dit ses prédécesseurs à la tribune : dans l’Histoire de France, il n’y a pas que des Gaulois, et cela se vérifie partout, dans les aliments, la musique, la peinture (il cite le Radeau de la Méduse). Il redit l’importance de la Révolution française abolissant l’esclavage et notre capacité à regarder notre histoire, l’importance que ce savoir a aux yeux même des jeunes. Il conclut en affirmant la volonté de la Fondation de faire dialoguer histoire, culture et citoyenneté.